L’ Iran réussi a convaincre ses alliés de ne pas avancer vers al-Bab , mais pourquoi avoir permis à la Turquie d’y entrer ?

 

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Damas de Elijah J. Magnier – @EjmAlrai

Les forces spéciales turques avec des tanks et des forces syriennes alliées (sous le nom de “bouclier de l’Euphrate”) ont mis sur pied une opération de grande envergure contre le groupe “Etat islamique” (ISIS) dans la ville septentrionale d’al-Bab. Cette avance significative a été rendue possible après un long débat entre Damas et ses alliés (la Russie et l’Iran) avant le développement de ce qu’ils considèrent le plan le plus stratégique et le plus adéquate pour aller de l’avant après la chute d’Alep. Il ne reste plus que 5% du territoire entre les mains des djihadistes et leurs alliés syriens rebelles, et leur présence est concentrée dans une très petite partie de la ville qui est soumise à un intense bombardement. La chute d’Alep et son retour sous le contrôle du gouvernement syrien est seulement une question de temps.

Mais pourquoi a-t-il été permis à la Turquie d’arriver jusqu’à al-Bab alors qu’elle a été arrêtée à sa porte pendant des semaines ?

D’après une source bien informée de Damas, la Russie a soutenu le Président syrien Bashar al-Assad qui voulait à tout prix empêcher son ennemi le plus haï, le Président turc Recep Tayyib Erdogan d’atteindre la ville d’al-Bab et, en poussant vers Deyr Hafer, le lac Assad et al-Tabqah pour atteindre les forces US et leurs alliés aux portes de Raqqah, le cœur d’ISIS. Assad était content de bloquer la route au plan d’Erdogan en vue d’annexer al-Bab, surtout après avoir bombardé les forces turques en novembre dernier, tuant quatre soldats turcs– malgré le démenti de Damas concernant son implication dans cette attaque. Le message russo-syrien à Erdogan était clair : tu n’as pas le droit de pénétrer dans al-Bab.

Mais qu’est-ce qui a changé depuis ?

Selon nos source, l’Iran a contesté le plan russo-syrien en offrant une approche différente. Il n’y a aucun intérêt à envoyer des forces vers le nord-est où les EU sont bien implantés avec des forces spéciales et des bases militaires dans la zone contrôlée par les Kurdes. En outre, il n’y a aucun intérêt stratégique à combattre ISIS pour le moment parce que Raqqah ne reçoit aucun renfort de l’extérieur. Ce n’est donc pas une priorité « stratégique ».

L’Iran a proposé d’envoyer d’autres troupes en Syrie si besoin pour le bataille de Tel El-Eis, afin de libérer les villes encerclées de Fua, Kfariya et Jisr el-Shughur et atteindre ainsi la cible la plus importante : la ville d’Idlib.

Une discussion constructive a donc eu lieu entre alliés aboutissant à la conclusion que la “Syrie utile” était constituée des principales villes où la plupart des civils peuvent vivre, même si les zones rurales ne sont pas sous le contrôle du gouvernement. ISIS, une organisation rejetée et dénigrée par la communauté internationale occupe Raqqah. Il n’y a donc aucun intérêt à investir des moyens militaires et des hommes pour combattre ISIS maintenant quand al-Qaeda et les autres rebelles reçoivent support international et attention. ISIS est condamné : il sera défait dès que la carte montrant le contrôle de la Syrie sera devenue plus claire et plus complète. La carte de la Syrie commence à se révéler : est de l’Euphrate devient le terrain de jeu des Américains tandis que l’ouest est dominé par la Russie et la Syrie.

Des sources à Damas pensent que l’accord américain pour fournir aux rebelles syriens travaillant avec al-Qaeda des armes létales et des missiles anti-aériens est clairement lié à l’intention des Russes de pousser des forces vers Idlib. Il est probable que le Président Obama a approuvé cette décision un mois avant la fin de son mandat afin d’embarrasser le Président élu Trump et lui forcer la main en Syrie. Si Trump intervient pour arrêter le flux des armes, il sera furieusement attaqué par le principal courant des médias qui est totalement conditionné, et il lui sera reproché d’avoir accepté la domination de la Russie à Bilad al-Sham.

« L’accord d’Assad pour éviter Raqqah et préférer diriger ses forces vers Idlib – même si publiquement il nie attaquer la Turquie – est due à sa connaissance de la dynamique syrienne et le principe sur lequel est basé l’état : les Allaouites contrôlent l’appareil de sécurité et les Sunnites contrôlent l’économie syrienne. » C’est la raison qui a fait refuser en 2011 la montée des Sunnites à Damas et à Alep, le centre de l’économie syrienne. En fait, cette montée ne concernait que des habitants des zones rurales du nord, la source même qui a poussé Alep à la confrontation avec le gouvernement syrien un an après le début de la soi-disante “révolution”.

Alep n’est pas tombé sous l’accord russo-turque. La Turquie a obtenu plus de 2500 militants d’Alep quelques mois avant la bataille pour conquérir la ville. Al-Bab, d’un autre côté, n’a fait partie d’aucun deal jusqu’à tout récemment. Une discussion sérieuse a commencé en novembre dernier lors de la visite à Téhéran du ministre des affaires étrangères Cavusoglu et de Hakan Fidan, chef des services secrets turques. Le principal sujet a été al-Bab, après le bombardement de troupes turques à quelques kilomètres de la ville.

Après la réunion – et plusieurs autres par la suite, le Russie a joué le rôle d’intermédiaire avec la Turquie pour éviter d’autres clashes entre l’armée syrienne et les forces rebelles sous le contrôle de la Turquie. La ligne officielle de Damas est clairement contre la présence de toute force Turque sur le sol syrien. Bashar n’oubliera pas facilement que la Turquie a été et demeure le principal soutien de tous les djihadistes, y compris ISIS et, bien entendu des rebelles syriens eux-mêmes depuis le début de la guerre.

Mais ce que la Russie, la Turquie et les EU ont installé ne veut pas dire des progrès dénués d’obstacles. L’intervention d’Israël dans le sud avec ses alliés peut être un obstacle parce qu’une victoire d’Assad signifie aussi une victoire de l’Iran et du Hezbollah. En outre, le soutien direct et indirect US à l’opposition armée et aux djihadistes peut retarder ou faire obstacle aux plans de la Russie.

La bataille ouverte entre la Russie et les Etats Unis au Levant reste pleine de surprises et présage beaucoup de sang versé. Aucune des parties impliquées dans la guerre de Syrie n’a dit son dernier mot. La chute d’Alep est un pas important dans l’histoire de la Syrie. Mais l’avancée vers Idlib sera tout sauf une promenade pour la Russie et ses alliés. A la fin du jour, la Syrie est devenue une zone sous influence russe et américaine.

 

Traduit par le prof. Olivier dulac.

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