Les USA observent Afrin retourner dans les bras de Damas non sans inquiétude

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Par Elijah J. Magnier (à Damas): @ejmalrai

Traduction : Daniel G.

Les négociations entre l’État syrien et l’administration centrale de la ville kurde syrienne d’Afrin en sont aux dernières étapes. Un point reste en suspens et devrait être réglé sous peu. Si les négociations aboutissent, elles empêcheront la destruction du canton sous les coups de l’armée turque et de ses alliés syriens. Les Kurdes accepteront-ils de se plier totalement aux exigences de Damas avant qu’il ne soit trop tard ou vont-ils préférer une destruction totale?

Le 20 janvier, la Turquie a lancé son « opération Rameau d’olivier » visant à occuper la ville kurde syrienne d’Afrin, dont l’objectif annoncé était « d’éliminer la menace à la sécurité nationale (turque) que constitue le PKK (Parti des travailleurs kurdes) ». Ankara n’a pu lancer son opération qu’après le retrait des troupes russes de la ville à la suite de l’échec des négociations entre les dirigeants syriens à Damas, les médiateurs russes basés à Hameimim et l’administration kurde à Afrin. Les Kurdes ne voulaient pas abandonner l’administration d’Afrin, leurs armes et leurs actifs financiers. Ils souhaitaient seulement que le déploiement de l’armée syrienne se limite à la frontière avec la Turquie (comme patrouille frontalière) et que les postes de police à l’intérieur de la ville d’Afrin redeviennent fonctionnels.

Après 27 jours de bataille, les forces turques, soutenues par divers éléments syriens et organisations comprenant des djihadistes turkmènes, sont parvenues à détruire plusieurs des quelques centaines de villages disséminés dans le canton kurde, en faisant quelques progrès sur le front au nord, à l’ouest et à l’est d’Afrin, qui résiste toujours.

Cependant, les négociations de cette semaine entre l’armée syrienne et les Kurdes, soutenues par la superpuissance russe (qui occupe un rôle « d’observateur »), ont permis de régler presque tous les points en litige sauf un, qui fait toujours l’objet de consultations parmi les Kurdes d’Afrin. Les principaux points décisifs acceptés par l’administration centrale kurde sont les suivants :

– administration centrale confiée à l’État syrien;

– contrôle de l’ensemble des bases militaires à l’intérieur et à l’extérieur de la ville confié à l’armée syrienne et interdiction de port d’armes dans la ville;

– ensemble de la machinerie et des armes lourdes confiées à l’armée syrienne et accès complet aux entrepôts de stockage dans la ville, sa périphérie et les villages.

Mais l’administration kurde poursuit ses négociations sur un dernier point crucial. Pour les Syriens, « les Kurdes d’Afrin doivent remettre toutes leurs armes légères et leurs armes individuelles, pour qu’il n’y en ait plus entre les mains des gens. Le pouvoir est maintenant confié à l’armée syrienne. Par conséquent, tous les jeunes hommes seront appelés à servir dans l’armée et à s’acquitter ainsi de leur devoir national ».

Les dirigeants à Damas s’attendent à ce que les Kurdes d’Afrin acceptent tout le bouquet de conditions d’un jour à l’autre, puis permettent à l’État et à ses composantes de reprendre le contrôle des 52 positions clés du canton comme c’était le cas en 2011. En cas de rejet, l’alternative qui attend Afrin c’est de rester à la merci des bombes turques et des forces favorables à Ankara dans la région, qui ne fera que tuer des gens et détruire des maisons et des biens.

On est confiant à Damas que les choses vont se régler, grâce à l’intervention de la Russie qui mettra un terme à l’opération « Rameau d’olivier » de la Turquie et coordonnera le cessez-le-feu et le retrait de toutes les troupes turques.

Les États-Unis soutiennent la Turquie dans cette guerre contre les Kurdes d’Afrin pour une raison « évidente ». Les USA souhaitent que la Turquie demeure en Syrie et occupe une partie de son territoire. Ils ne veulent pas rester seuls au Levant, où ils dominent une grande partie du territoire syrien au nord-est (environ 24 % de sa superficie), où se trouvent d’importantes réserves énergétiques (pétrole et gaz).

Par conséquent, si la Turquie est appelée à quitter les lieux, les USA n’auront d’autre choix que d’officialiser leur occupation de territoires syriens. La présence de plus d’un pays occupant une partie de la Syrie justifie le prolongement de la présence américaine, le prétexte étant le combat contre le terrorisme et la lutte contre Daech, qui se trouve justement dans la zone occupée et contrôlée par les forces américaines au nord de la Syrie.

En attendant l’annonce de l’acceptation, par les Kurdes d’Afrin, de l’accord en train d’être finalisé, nous pouvons dire que la Syrie va demeurer un pays où les superpuissances et les pays limitrophes poursuivront le combat en y dépêchant leurs propres soldats ou des mandataires. Tous souhaitent imposer un partage politique, militaire ou géographique du Levant. Mais Damas, dont le pouvoir s’accroît chaque jour, a encore son mot à dire et n’abandonnera pas la revendication légitime de son territoire, c’est-à-dire de l’ensemble du territoire syrien.

Une fois Afrin revenu sous l’autorité de l’État syrien, les Kurdes d’Hassaké resteront le seul groupe compact dirigé par les USA. Même si les USA se servent du nord-est de la Syrie pour rester au Levant et faire pression sur l’Irak sous le prétexte de « combattre Daech » et de « la crainte du retour de Daech » (qui en fait est toujours présent dans la zone contrôlée par les USA), Washington ne tardera pas à comprendre que lentement mais sûrement, le secteur sous son contrôle considéré comme ami lui sera de plus en plus hostile. Cela se produira lorsque les Kurdes d’Hassaké comprendront aussi que leur seule planche de salut, c’est de retourner dans le giron de l’État syrien plutôt que de continuer à soutenir des forces qui les abandonneront aussitôt que leurs intérêts les amèneront à mettre fin à leur occupation du nord-est de la Syrie.