Faleh al-Fayyad est le candidat anti-USA officiel au poste de PM en Irak, pendant que les USA cherchent à frapper l’Iran en bas de la ceinture

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Par Elijah J. Magnier: @ejmalrai

Traduction : Daniel G.

Faleh al-Fayyad, qui est membre du parti Al-Da’wa, est devenu le candidat officiel du camp anti-USA en Irak. Le premier ministre irakien par intérim Haidar Abadi a réagi aussitôt à la nouvelle en limogeant Fayyad, un membre influent de son parti qui a occupé le poste de conseiller à la sécurité nationale pendant de nombreuses années et qui est aussi le chef des « Unités de mobilisation populaire ».

Abadi pouvait compter sur 42 députés dans sa coalition. En limogeant al-Fayyad, Abadi a perdu 17 députés qui auraient appuyé sa candidature, mais qui ont maintenant choisi de le quitter pour joindre al-Fayyad.

Le bras de fer entre les USA et l’Iran est passé à un autre niveau en Irak, où al-Abadi, le candidat favori des USA, de l’Arabie saoudite et des Émirats, exprime ouvertement sa volonté de briguer un second mandat par tous les moyens qu’il faut. L’envoyé présidentiel des USA Burt McGurk courtise les groupes sunnites et kurdes qui sont devenus des « kingmakers ». Ces groupes occupent des dizaines de sièges au parlement, un ajout essentiel à toute coalition chiite la plus large, les divisions entre chiites faisant en sorte qu’il est impossible pour eux d’obtenir les 165 sièges requis pour former un nouveau gouvernement. Mais surtout, les USA cherchent à frapper le camp opposé en bas de la ceinture. Leurs services du renseignement ont rendu public des transcriptions de l’interrogatoire de Qais al-Khazzali fait en 2007, pour s’assurer que le général Qassem Soleimani de la Force al-Qods et l’envoyé du Hezbollah en Irak aient énormément de difficulté à réunir tous les groupes chiites irakiens dans une même coalition. L’autorité suprême chiite qu’est la marjaya à Nadjaf observe en silence, en s’abstenant d’intervenir.

Les USA cherchent visiblement à soutenir Haidar Abadi par tous les moyens. L’administration américaine essaie de discréditer Qais al-Khazzali, le chef du groupe parlementaire Asaeb, en rendant publiques des transcriptions secrètes de son interrogatoire en mars 2007 dans l’espoir d’élargir le fossé entre lui et Moqtada al-Sadr. C’est un secret pour personne que les deux hommes sont loin d’être en bons termes. De plus, il est reconnu que les prisonniers de guerre peuvent révéler des renseignements de nature sensible pendant leurs interrogatoires. C’était le cas des prisonniers américains au Cambodge, au Vietnam, en Iran, au Liban et dans bien d’autres parties du monde. Des commandants d’al-Qaeda capturés par les USA et des agents du Hezbollah capturés par Israël ont révélé ce qu’ils savaient au sujet de leurs groupes respectifs. C’est pourquoi les organisations secrètes fonctionnent selon le principe du « besoin d’en connaître », comme l’interrogatoire de Qais l’a révélé : « le détenu n’était pas certain du nombre exact de personnes sous son contrôle, car il s’agissait d’une question de sécurité opérationnelle pour les groupes, ce qui fait sorte qu’il n’avait pas à connaître ce nombre.»

Il est très plausible que les USA croient que leur intervention pourrait aider Abadi et enrayer la formation d’une coalition chiite élargie incluant Moqtada et Qais (et al-Ameri) dans un même groupe. Sans quoi la publication du texte de l’interrogatoire de l’ancien lieutenant de Moqtada n’aurait aucun sens. Qais était en effet une des nombreuses causes de friction entre Moqtada et l’Iran à partir de 2007-2008. Il se pourrait bien que les USA ne soient pas conscients que toutes les tentatives de l’Iran et du Hezbollah visant à unifier les coalitions chiites en Irak ont échoué jusqu’à maintenant.

Asaeb Ahl al-Haq faisait partie du Jaish al-Mahdi, sous la gouverne de Moqtada al-Sadr. Lorsque son chef Qais a été arrêté (j’étais en Irak à ce moment-là en 2007), Moqtada a demandé au numéro deux de Qais au sein du groupe Asaeb, Cheikh Akram al-Ka’bi, le dirigeant actuel d’Harakat al-Nujabaa, de restituer toutes les ressources financières et militaires du groupe et Moqtada était sur le point de nommer un nouveau commandant. Cheikh Akram refusa de s’incliner devant Moqtada et garda sous son commandement ceux qui voulaient servir sans être sous la direction de Moqtada. Akram est resté fidèle à Qais et les deux hommes ont quitté Moqtada définitivement quand Qais a été libéré en 2010. Qais a gardé le commandement d’Asaeb, tandis qu’Akram est par la suite devenu le chef d’un nouveau groupe, Harakat al-Nujjabaa.

Ce jour là en 2007, Moqtada a dit à Akram : « Les institutions, les ressources, les propriétés, les bureaux et les entrepôts, tous portent le nom d’al-Sadr et al-Sadr, c’est moi. » Akram a répondu à Moqtada : « Tu n’es pas le seul al-Sadr et nous sommes fidèles à la mémoire de ton père et loyaux envers son parcours, pas à toi. » C’est ce qui a marqué le début de l’animosité entre Moqtada et l’Iran. Le jeune Moqtada (2007) croyait que l’Iran était derrière la scission qui a fait en sorte que Qais, Akram et d’autres ont fragmenté sa base de soutien parmi les partisans de son père, qu’aucun politicien irakien n’avait réussi à obtenir jusque-là.

Les USA semblent désemparés de voir Moqtada et Abadi dans une coalition contre Hadi al-Ameri, Nouri al-Maliki, Qais al-Khaz’ali et Faleh al-Fayyad. Des sources en Irak affirment que l’envoyé des USA insiste auprès des sunnites et des Kurdes pour qu’ils soutiennent Abadi ou subissent des conséquences. Abadi s’accroche à son poste de premier ministre en étant conscient que sa victoire, ou celle de la coalition d’al-Ameri, n’est pas garantie.

Quelques points importants :

  1. La marjaya à Nadjaf garde ses distances par rapport à Abadi et à Ameri. Bien que la marjaya soit l’autorité suprême chiite et que l’un de ses principaux objectifs soit de promouvoir l’unité entre les chiites et les autres musulmans, elle ne souhaite pas promouvoir l’unité entre les cinq grands groupes chiites. Le grand ayatollah Sistani est convaincu qu’aucun nouveau premier ministre parmi les dirigeants politiques actuels ne serait capable d’offrir les services et l’infrastructure dont le pays a besoin. Sa neutralité pourrait cependant jouer en faveur du candidat des USA plutôt que du camp opposé.
  2. Hadi al-Ameri ne sait pas encore s’il dirigera la coalition la plus large. Il a d’ailleurs déclaré que tout premier ministre qui arrivera dans la zone verte au sommet d’un char d’assaut américain ne tiendra pas deux mois.

Tout converge vers une instabilité militaire et politique et une confrontation possible en Irak. Les différences entre chiites, sunnites et Kurdes rendent la paix en Mésopotamie peu probable. Il n’y a pas d’unité religieuse en politique. De plus, si le candidat des USA n’obtient pas le pouvoir, l’Irak sera aux prises avec un sérieux embargo et des troubles civils. Si le candidat des USA l’emporte, le camp anti-USA ne lui permettra pas de gouverner. La réaction de l’Iran pourrait être inattendue, du fait que l’Irak pourrait lui servir de poumons en cas d’embargo américain. Par conséquent, si l’Irak ferme ses portes au pétrole et aux marchandises de Téhéran, ses amis au Moyen-Orient pourraient s’en prendre aux forces et aux intérêts américains.

Des jours difficiles s’approchent et l’Irak pourrait devenir le lieu où des forces US peuvent être prises en otages, provoquant ainsi une crise qu’un Donald Trump sans expérience pourrait avoir de la difficulté à gérer, une crise qui pourrait même contribuer à sa chute.

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