Que répondra Sayyed Nasrallah à “l’arrogance” de Pompeo et au “cadeau” de Trump à Netanyahou?

Hezbollah parade in Qusseir following the defeat of ISIS and al-Qaeda in the Qalamoun (Syria) area. Photo exclusivity of the author.

Elijah J. Magnier:@ejmalrai

La visite du secrétaire d’État américain Mike Pompeo a été perçue très négativement par les partisans du Hezbollah, surtout dans les communautés chrétiennes et chiites, mais elle a été saluée par leurs adversaires politiques au Liban. Dans son discours de huit minutes, en conclusion de sa visite au ministère libanais des Affaires étrangères, Pompéo a répété le mot “Hezbollah” 22 fois et le mot “Iran” 13 fois. Il a consacré une minute à son introduction et les sept minutes restantes au Hezbollah et à l’Iran. Si le Hezbollah n’était pas la principale source de préoccupation de l’establishment américain, qu’aurait bien pu dire le secrétaire d’État américain ? Cette visite n’aurait pas eu de sens.

Le dirigeant du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah va réagir en direct, mardi 26 à 17h00, heure locale, aux annonces de Pompeo et au “don” du Golan syrien occupé par son patron, le président Donald Trump, au premier ministre Benjamin Netanyahou. Le Hezbollah considère que l’attitude et les déclarations de l'”invité” étasunien sont arrogantes et impropres, et il salue les réactions des responsables libanais, principalement celles du Président Michel Aoun, du président du parlement Nabih Berry et du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, (tous alliés du Hezbollah), qui ont rencontré Pompeo lors de sa visite dans le pays la semaine dernière. 

Que va dire Sayyed Nasrallah ? 

Selon des sources bien informées, tout le discours de Pompéo était trompeur et confus, etse situait à l’opposé des objectifs réels des Etats-Unis au Liban qui n’ont rien à voir avec le souhait exprimé par le ministre des Affaires étrangères de “voir le Liban prospère et en paix”. 

“Pompeo a déclaré que les Etats-Unis souhaitaient au Liban la paix, la prospérité et un avenir meilleur. C’est pourtant le soutien aveugle et sans limite qu’ils ont offert à Israël toutes ces années qui a causé tant de morts et de destructions au Liban, en Palestine et en Syrie. Les bombes israéliennes sont fabriquées aux États-Unis et toutes les agressions israéliennes contre le Liban se font depuis des décennies avec la bénédiction sans équivoque de l’administration américaine : leur principale préoccupation a été de ravitailler Tel-Aviv en bombes guidées pendant ses guerres pour qu’il n’en manque pas. Et les Etats-Unis n’ont jamais permis à l’armée libanaise de mieux s’équiper pour mettre fin aux violations israéliennes quotidiennes de sa souveraineté. Où étaient les Etats-Unis quand Israël a envahi le Liban en 1982 ? Est-ce que les États-Unis ont contribué au retrait d’Israël ou soutenu le sacrifice de la population libanaise pour obliger les Israéliens à partir en  2000 ? Quand Israël a bombardé le siège de l’ONU au Cana (sud-Liban) au cours de deux agressions différentes, les Etats-Unis ont-ils condamné les crimes israéliens ou fait quoi que ce soit pour mettre un terme à l’occupation israélienne?”, a demandé la source. 

Pompeo a accusé le Hezbollah d’avoir intimidé les électeurs lors des dernières élections du Parlement libanais. La source a répondu que “le Hezbollah a recueilli 63% des votes chiites etle deuxième grand mouvement chiite AMAL 27% -de nombreux partisans du Hezbollah ont été invités à voter pour les candidats d’Amal pendant les élections pour s’assurer qu’ils soient élus. C’est cela, intimider les électeurs ? Les États-Unis répandent volontiers toutes sortes de mensonges.” 

Pompeo a accusé le Hezbollah de semer la destruction et de contribuer à l’instabilité en Irak, en Syrie et au Yémen.

Selon la source, “c’est le Hezbollah qui a combattu aux côtés de l’armée libanaise et qui était présent dans la salle d’opérations militaires pour éliminer l’EI et Al Qaeda des villages et des frontières libanaises, pas les États-Unis. L’administration américaine a refusé plus d’une fois d’autoriser l’armée libanaise à cibler l’Émir d’Al-Qaïda à Arsal – qui se trouve aujourd’hui à Idlib – et a essayé de les empêcher de chasser l’EI et d’Al-Qaïda du Liban. En outre, la présence du Hezbollah en Syrie a protégé les chiites, mais aussi et surtout les chrétiens qu’on a aidés à quitter le Liban quand ils se sentaient en danger. Le Hezbollah a également protégé les Druzes, et on a vu ce que l’EI et Al-Qaïda ont fait aux Druzes en Syrie. Il a aussi protégé les sunnites parce que ceux qui adhèrent à l’idéologie Takfiri de l’EI sont minoritaires dans le pays et ils auraient été persécutés comme tous les non-Takfiri. En Irak, le Hezbollah a combattu aux côtés des forces de sécurité irakiennes et les a entraînées à la demande officielle du premier ministre irakien, dans le but d’éliminer l’EI, tandis que les États-Unis – selon le général Mike Flynn, – l’ont aidé à se développer et à passer en Syrie”. 

En ce qui concerne le Yémen, la source a déclaré que “les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et d’autres alliés occidentaux et européens ont créé la pire catastrophe humaine de tous les temps en bombardant et affamantle pays le plus pauvre du Moyen Orient. Ils n’ont pas réussi à soumettre le Yémen et ils rendent le Hezbollah responsable de la guerre”. 

US Secretary of State Mike Pompeo (L) meets with Lebanese Parliament Speaker Nabih Berri (R) in Beirut on March 22, 2019 [JIM YOUNG/AFP/Getty Images]
US Secretary of State Mike Pompeo (L) meets with Lebanese Parliament Speaker Nabih Berri (R) in Beirut on March 22, 2019 [JIM YOUNG/AFP/Getty Images]

Selon la source, Pompéo a fait preuve d’”arrogance, principalement vis-à-vis des autorités libanaises en menacant le Liban de sanctions suplémentaires”.

La source ajoute: “En 1983, les Marines étasuniens ne faisaient pas partie des forces de paix qui sont arrivées au Liban, mais ils ont participé directement au bombardement de certaines parties du Liban. Ils étaient alignés sur les Libanais pro-israéliens. C’est un fait notoire. A l’époque, le Hezbollah n’existaitpas encore, mais il y avait des moudjahidin qui luttaient contre l’hégémonie américaine et nous les saluons. Les Etats-Unis feraient bien de se rappeler que le Liban n’est pas un pays où ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Les missiles de précision du Hezbollah envoyés par l’Iran, permettent au gouvernement libanais de défendre ses frontières maritimes et d’empêcher Israël d’envahir le Liban. Ces missiles offerts par l’Iran ont empêché Israël d’annexer le Liban avec la complicité des États-Unis qui auraient fini par donner le pays en cadeau à Israël. Trump l’a bien fait avec Jérusalem et le plateau du Golan, qui sont deux endroits que le Hezbollah veut libérer. Les forces du Hezbollah devraient être placées sous le commandement du président Assad pour libérer le Golan “comme et quand il le jugera bon”. 

“Pompéo est venu au Liban en tant que représentant d’Israël et de la politique étasunienne. Il pense que Trump est envoyé par Dieu pour protéger Israël, comme il l’a d’ailleurs lui-même affirmé. Il veut empêcher la Syrie de revenir à la normale, il veut stopper la reconstruction du pays et de son armée et dissuader les réfugiés de rentrer chez eux pour reconstruire la Syrie. Est-ce l’intérêt du Liban de garder les réfugiés syriens dans le pays alors qu’ils pourraient rentrer chez eux (à l’exception d’Idlib où Al-Qaïda est toujours en activité) ? En Europe, il y a plus de 500 millions d’habitants et les dirigeants et les populations se plaignent en chœur de devoir accueillir moins d’un demi-million de réfugiés syriens – autant que le Liban dont la population est de 4 millions d’habitants”, a conclu la source. 

Au sujet de l’Iran, la source a déclaré que “l’Iran a largement contribué à la reconstruction des villes détruites par Israël et les Etats-Unis en 2006. Il a offert la possibilité aux peuples du Sud de se défendre et il veut contribuer au développement de  l’industrie libanaise, de l’assurance-maladie, et de tout ce dont une armée a besoin pour protéger son espace aérien, maritime et terrien, avec l’accord des autorités libanaises. Il a aidé le Liban à vaincre les Takfiri en donnant au Hezbollah les moyens de se battre et de vaincre, et il a fait de même en Syrie et en Irak. Si les États-Unis voulaient faire la même chose au lieu d’investir dans la déstabilisation du pays et s’ils offraient seulement des armes d’entraînement et de guerre urbaine, l’Iran et le Hezbollah seraient ravis. Mais apparemment, le Liban n’a pas le droit de se protéger. Heureusement, nous ne comptons pas sur les États-Unis d’Amérique.” 

Et enfin, la source a déclaré que les Etats-Unis sont clairement responsables de “l’instabilité au Moyen-Orient”, en donnant à Israël les territoires palestiniens et en les “protégeant ” contre le droit au retour des Palestiniens.Les Etats-Unis ne s’intéressent pas à la paix en Palestine. Trump veut faire réélire le véreux Netanyahou pour qu’à son tour il l’aide à se faire réélire président des Etats-Unis l’année prochaine. Voilà le vrai visage de l’establishment américain et de son président. Seuls les Libanais sont en droit décider ce qui est bon peur eux et certainement pas ceux qui ont contribué au massacre de la jeunesse du pays en fournissant des armes aux terroristes d’Al-Qaïda et de l’EI. Nous aurions vraiment besoin que les Etats-Unis nous fichent la paix : hélas, ce n’est ni probable, ni possible, j’en ai bien peur”.  

Nasrallah tiendra certainement compte de la décision de Trump de céder à l’Israélien le plateau du Golan syrien, une décision définie comme illégale par la communauté internationale, y compris les Nations Unies. En outre, le lancement d’un missile depuis Gaza contre Tel-Aviv est significatif et témoigne de l’harmonie entre les membres de “l’Axe de la Résistance” sur différents fronts. Le Golan occupépar Israel était présent dans l’esprit des Palestiniens lorsqu’ils ont bombardé Tel Aviv.

Traduction : Dominique Muselet

Si vous êtes intéressé par cet article, il serait très généreux de votre part de contribuer au moins d’1 Euro. Merci d’avance.