Pendant qu’Israël implore la guerre, l’Iran accélère le rythme de l’augmentation de ses capacités nucléaires avancées

Par Elijah J. Magnier 

Traduction : Daniel G.

Il ressort clairement des récentes attaques israéliennes contre plusieurs cibles iraniennes qu’elles visent à renforcer la position du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou sur le plan intérieur en ce moment électoral clé. Israël peine à se doter d’un gouvernement uni après quatre tentatives ratées. De plus, Israël fait savoir au monde entier à quel point il est contrarié par le rapprochement entre les USA et l’Iran, qui place Téhéran en position de force, et par le fait que Washington accepte de négocier selon les conditions de l’Iran, malgré le résultat des pourparlers tenus à Vienne  entre les signataires du « Plan d’action global commun » (PAGC), appelé communément accord sur le nucléaire iranien.

Les USA n’ont apparemment toujours pas pris conscience que l’Iran campe sur ses positions et qu’il a fixé les termes de ses conditions de négociation. Il appartient à l’Occident de les accepter ou de se préparer à ce que l’Iran atteigne la  capacité nucléaire pleine et entière rendant possible la fabrication d’une bombe nucléaire si et quand il le souhaite. L’Iran vient d’ailleurs d’annoncer son intention d’augmenter son taux d’enrichissement de l’uranium à 60 %, améliorant ainsi de loin son pouvoir de négociation à Vienne.

Depuis que Joe Biden est entré en fonction, Israël a mené plusieurs attaques pour provoquer l’Iran. Tel-Aviv a affirmé  avoir bombardé des « cibles iraniennes » en Syrie. Il a effectué une attaque à la mine contre le navire iranien  Saviz en mer Rouge et est responsable du sabotage  de l’installation nucléaire de Natanz. 

L’administration américaine a nié son implication dans l’acte de sabotage israélien à Natanz, mais pas son ignorance de l’attaque préalablement. Des sources européennes estiment que le démenti américain est réel. Mais il n’est pas exclu que Biden et son équipe tentent de tirer profit de l’attaque israélienne, en croyant que l’Iran pourrait changer d’avis et accepter d’inclure d’autres dossiers liés au Moyen-Orient aux négociations ou, à tout le moins, que l’Iran accepte de négocier directement avec les Américains. Les diplomates occidentaux croient (à tort) que l’Iran pourrait demander aux pays engagés dans les pourparlers de Vienne d’exercer des pressions sur Israël pour qu’il cesse ses actes de sabotage. 

« Il est clair que l’Iran ne souhaite pas déclencher de guerre au Moyen-Orient pendant que le gouvernement du président Hassan Rouhani tente de faire lever toutes les sanctions avant la fin de son mandat. Les attaques israéliennes pourraient accélérer les négociations sur le nucléaire même si elles ne font pas l’affaire d’Israël, en faisant réaliser qu’il faut s’engager dans cette voie pour empêcher l’Iran d’atteindre une capacité nucléaire de qualité militaire. Ainsi, une négociation directe entre le ministre iranien des Affaires étrangères, Jawad Zarif, et son homologue américain, Antony Blinken, sera nécessaire pour accélérer les négociations et parvenir plus rapidement à un compromis. Toutefois, l’Iran a réitéré qu’il n’accepterait aucune négociation directe tant que les USA n’auront pas levé toutes les sanctions. Téhéran a également rapidement retourné la situation en décidant d’augmenter son taux d’enrichissement à 60 %, se rapprochant ainsi de la qualité militaire de 90 %. L’Iran vient de prendre l’avantage et le président Biden n’a pas d’autre choix que d’agir d’ici les deux prochains mois », a déclaré la source diplomatique.

Les responsables américains ont demandé à plusieurs reprises à leurs homologues européens de tenter de convaincre l’Iran d’accepter une négociation directe à laquelle participerait un envoyé américain. L’Iran est resté ferme sur sa position, refusant toute rencontre tant que les 1 650 sanctions américaines continueront de s’appliquer et que les banques, pays et institutions n’oseront pas faire affaire avec l’Iran et dégeler ses avoirs financiers sans craindre les représailles américaines.

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L’objectif des dirigeants occidentaux de faire du marchandage de bazar avec l’Iran montre à quel point ils comprennent mal la position iranienne. Il ne fait aucun doute que les négociateurs iraniens sont très habiles. De plus, ils s’appuient sur une décision claire et nette exprimée par le guide suprême de la Révolution Sayyed Ali Khamenei qui a dit sans détour à Zarif : « Allez et négociez uniquement sur le dossier nucléaire et rien d’autre ». L’ancien secrétaire d’État américain John Kerry avait déjà tenté de persuader Zarif de négocier sur d’autres dossiers préoccupants, mais en vain. Quant à l’ex-président Donald Trump, il a attendu pendant deux ans l’appel téléphonique  de l’Iran qui n’est jamais venu.

Il ne fait guère de doute que les sanctions américaines contre l’Iran ont été et demeurent très douloureuses pour l’économie iranienne. Sauf que ces sanctions ont poussé l’Iran à devenir plus autonome que jamais. Une fois débloqués, les centaines de milliards de dollars de l’Iran qui dorment dans nombreux pays du monde entier vont créer de la richesse, revigorer l’économie de l’Iran et consolider sa position de puissance régionale au Moyen-Orient, qui tire avantage de ses ramifications stratégiques et de ses relations avec la Chine  et la Russie.

Les USA et Israël sont tous deux conscients des conséquences de la restitution des avoirs iraniens et des intérêts courus (ce point demeure discutable). C’est l’une des principales raisons pour lesquelles le premier ministre israélien se comporte comme le « tyran du Moyen-Orient » en servant les objectifs de l’administration américaine d’une manière ou d’une autre. 

Des sources iraniennes estiment que « Biden pourrait également se servir des actes de sabotage et des provocations de guerre de Netanyahou pour montrer aux bellicistes américains que l’Iran n’est pas disposé à entrer en guerre, peu importe la nature des provocations israéliennes. Il n’en demeure pas moins que l’administration américaine est pleinement consciente que l’Iran est devenu une puissance régionale, et ce, malgré les sanctions les plus dures à n’avoir jamais été imposées, et qu’il a réussi à déjouer les plans des USA visant à déstabiliser la Syrie, à diviser l’Irak, à dominer le Yémen et à paralyser le Liban. »

L’Iran n’hésite pas à montrer les dents lorsqu’on s’en prend à ses navires dans le détroit d’Ormuz et la mer Rouge. La récente attaque contre un navire israélien au large des Émirats arabes unis s’est produite pendant que les forces navales américaines mouillaient dans les parages. Bien que l’Iran ait nié sa responsabilité, les responsables sont d’avis que la tension entre les USA et la Russie autour de l’Ukraine ne permettra pas à Biden de déclencher une nouvelle guerre avec l’Iran pour le forcer à reculer et à réduire le taux d’enrichissement de son uranium. La décision d’atteindre les 60 % a été prise par le guide Sayyed Ali Khamenei et elle ne sera pas révoquée, quelles que soient les pressions occidentales, à moins que les USA ne lèvent toutes les lourdes sanctions imposées à l’Iran.

L’Europe s’est jointe à Israël pour faire pression sur l’Iran en imposant des interdictions de voyager et un gel des avoirs frappant plusieurs Iraniens pour violation des « droits de la personne ». Les sanctions de l’UE  sont symboliques lorsqu’elles visent Hossein Salami, le chef du Corps des gardiens de la Révolution iranienne, et Gholamreza Soleimani, le chef du Basij. Les deux commandants n’iront jamais en Occident et n’auront jamais de comptes dans des banques étrangères. L’Iran a réagi  en suspendant les discussions globales avec l’UE dans le domaine des droits de la personne, du terrorisme, de la drogue et des réfugiés. L’institution européenne est fortement politisée et se plie aux diktats des USA, notamment lorsqu’elle impose des sanctions  à l’Iran ainsi qu’à la Russie, à la Chine, à la Libye, au Soudan et à l’Érythrée, mais jamais à l’Arabie saoudite malgré son interminable liste de crimes contre l’humanité commis au Yémen.

Il est difficile de ne pas faire un lien entre les sanctions européennes contre l’Iran, les sabotages israéliens et les négociations de Vienne. L’administration américaine semble recourir à différents outils et moyens pour faire pression sur l’Iran qui, malgré son désir de vengeance, ne cesse de donner la priorité aux négociations sur le nucléaire et à la levée de toutes les sanctions. Mais cela ne signifie pas pour autant que la promesse de vengeance restera lettre morte. Bien au contraire, l’Iran sait très bien qu’Israël continuera à cibler davantage d’objectifs iraniens si la dissuasion n’est pas rapidement imposée. Il est bon de rappeler que l’Iran dispose de différents moyens de riposter directement ou par l’intermédiaire de ses alliés, et ce, sur différents théâtres. L’Iran ne se limite pas nécessairement à répondre au moment, de la manière et à l’endroit souhaité ou prévu par Israël. Les dernières nouvelles faisant état d’une attaque mystérieuse contre un navire israélien laissent entendre fortement qu’en rendant la monnaie de sa pièce à Israël, une nouvelle forme de dissuasion a été établie, ce qui met le premier ministre Netanyahou dans l’embarras.

Le mois dernier, un navire israélien a été touché par un petit missile, probablement tiré d’un drone, pendant qu’il naviguait entre l’Inde et Oman. En février, un cargo appartenant à des Israéliens, le MV Helios Ray, a été endommagé au large du golfe d’Oman. L’Iran a nié toute responsabilité.

Sur le plan intérieur, le premier ministre israélien se bat pour son avenir politique, en étant accusé d’avoir accepté des cadeaux inappropriés et d’avoir abusé de sa fonction  pour promouvoir ses intérêts politiques personnels. Netanyahou est également confronté à un autre dilemme gouvernemental, car il est incapable d’obtenir une majorité de 61 sièges pour former un gouvernement pour la quatrième fois  dans un parlement divisé. Sur le plan extérieur, Netanyahou panique en voyant l’administration américaine revenir à l’accord sur le nucléaire iranien. Il regrette sûrement Donald Trump, qui soutenait Israël sans limites et qui lui donnait tout ce qu’il voulait. Israël ne souhaite pas voir l’Iran disposer d’une capacité militaire nucléaire et voudrait rester le seul à l’avoir au Moyen-Orient, avec ses centaines d’ogives nucléaires

Israël bénéficie du soutien des services du renseignement, de l’armée et des médias de la plupart des pays du monde, principalement de l’Occident et de la plupart des pays du Golfe. Il dispose d’installations dont aucun autre pays au monde ne bénéficie, et toutes ses opérations de sabotage se font en cachette, contrairement à celle menée contre l’Iran.

Israël a toutefois réalisé que malgré plus de mille attaques revendiquées  contre des cibles iraniennes, la partition de la Syrie et de l’Irak et la guerre au Yémen se sont avérées des objectifs impossibles à atteindre, même si l’Iran était soumis aux sanctions les plus lourdes jamais imposées. Ces échecs s’expliquent tous par le soutien solide que l’Iran accorde à ses alliés, qui a empêché non seulement Israël, mais aussi la communauté internationale (l’Occident et les pays du Golfe) de prendre le dessus sur la plus grande coalition réunie au Moyen-Orient au cours des dernières décennies.

L’Iran n’a pas la haute main en Syrie pour riposter à la violation continuelle de la souveraineté syrienne par Israël. Cependant, dans le détroit d’Ormuz et la mer Rouge, l’Iran se sent « chez lui ». Au cours des deux dernières décennies, l’Iran n’a jamais été provoqué jusqu’à ce que les USA assassinent le brigadier général iranien Qassem Soleimani pendant qu’il était en mission diplomatique à Bagdad, en Irak. Téhéran a poursuivi dans sa voie en consolidant ses alliances au Moyen-Orient et en Amérique latine (Venezuela). En outre, l’Iran fabrique lui-même la plupart des armements militaires qu’il lui faut, notamment ses drones armés et ses missiles de précision, et il a effectivement fourni à ses alliés ce dont ils avaient besoin pour se protéger de la domination israélienne et américaine. 

L’Iran a répondu aux sanctions américaines, aux sabotages israéliens et à l’assassinat du scientifique iranien en augmentant le taux d’enrichissement de son uranium et en construisant des centrifugeuses. Il a commencé à enrichir l’uranium plus rapidement avec sa dernière centrifugeuse nucléaire perfectionnée IR-9. Il a atteint le niveau de pureté de 20 %, a annoncé qu’il commençait l’enrichissement à 60 % et est en voie d’atteindre 90 % si aucun accord n’est conclu. 

L’Iran a toutefois laissé la porte ouverte à Biden pour rétablir la confiance et reconstruire le pont que Donald Trump avait saboté. La balle est désormais dans le camp de l’administration américaine : soit qu’elle revienne à l’accord sur le nucléaire iranien sans condition, soit qu’elle regarde l’Iran atteindre une capacité nucléaire totale. Si les USA choisissent cette dernière option, ils devront avoir à faire face à un Iran beaucoup plus fort lorsque le processus atomique atteindra, inévitablement, un point de non-retour irréversible.

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