L’Irak va-t-il sombrer dans le chaos?

Par Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

Après huit mois de querelles politiques, Sayyed Moqtada al-Sadr est descendu de son arbre et a jeté un pavé dans la mare en incitant ses 73 députés à présenter leur démission dans un premier temps. Il faut donc s’attendre à une escalade au moment propice, typique de la politique habituellement menée par Moqtada, pour en arriver à l’option qu’il préfère : faire descendre ses partisans dans la rue pour réclamer de nouvelles élections parlementaires, dans l’espoir d’obtenir une majorité et de devenir le maître incontesté de l’Irak, hors de la portée des autres groupes chiites. Mais cela ne peut se faire du jour au lendemain et un affrontement est à prévoir qui créera sans aucun doute le chaos, une instabilité et des troubles internes en Irak.

Après les résultats des élections parlementaires, où le mouvement sadriste a remporté 73 des 329 sièges, soit le nombre le plus élevé parmi tous les partis politiques, Moqtada al-Sadr a cru avoir remporté les élections. Il se croyait alors en droit de choisir le président du Parlement, le président de la République et le premier ministre dans le cadre d’une alliance avec les sunnites et les Kurdes. Le leader sadriste excluait ainsi tous les autres partis chiites pour pouvoir devenir le seul dirigeant chiite de l’Irak. Il a tout de même pris l’initiative de rendre visite à tous les partis chiites, pour leur demander de se joindre à lui, mais sans l’ancien premier ministre Nouri al-Maliki (Moqtada a retiré son veto à al-Maliki par la suite, mais l’animosité est restée).

Al-Sadr a agi ainsi uniquement parce que les partis invités à se joindre à son groupe étaient faibles sans Al-Maliki, donc plus faciles à contrôler. Sayyed Moqtada croyait que son accord de solidarité conclu avant les élections avec Hadi al-Amiri (le chef du groupe “al-Fatah” qui jouit d’une popularité et d’un ascendant politique qu’al-Sadr apprécie) était une manœuvre intelligente pour maintenir une distance avec les autres partis chiites fidèles à l’Iran. Cependant, Al-Amiri a mis son veto à l’accord et a rejoint la coalition des partis chiites regroupés au sein du « Cadre de coordination ». Un bloc chiite s’est formé par la suite et a invité Al-Sadr à faire partie d’un gouvernement en fonction de sa « taille parlementaire », ce que le leader sadriste avait rejeté dès le départ.

Cependant, Sayyed Moqtada a pris note de l’influence que Maliki avait gagnée tout au long de ses deux mandats au poste de premier ministre. Elle est apparue lors de la première réunion de la Chambre des représentants, lorsque le président Mahmoud al-Mashhadani a quitté la séance pour la perturber après avoir accusé un des députés sadristes de l’avoir agressé. L’objectif était d’annuler la réunion et d’empêcher Moqtada de s’autoproclamer à la tête du plus grand groupe de députés. Cependant, la Cour fédérale a rendu la décision qu’un autre président du Parlement, le plus ancien après al-Mash’hadani, pouvait légalement prendre le relais et sécuriser la séance. Al-Sadr a salué cette décision de la Cour, qui rendait légale la ratification de tous les députés assumant leurs fonctions.

Sayyed Moqtada s’en est aussi pris ouvertement à l’Iran avant, pendant et après les élections sans le nommer directement, en utilisant le mot « orient » en référence à la position géographique de l’Iran par rapport à l’Irak. Cette attitude agressive de Moqtada a joué sur l’humeur de ses partisans malgré l’envoi d’émissaires à Téhéran et au Liban, qui sont en contact permanent avec des responsables qui ont une influence en Irak et qui peuvent utiliser leurs relations pour lever les obstacles si on le leur demande.

La Cour fédérale est intervenue à une autre occasion, mais pas en faveur de Sayyed Moqtada cette fois-là, en proposant son interprétation du « plus grand bloc parlementaire ». Selon la Cour fédérale, le plus grand bloc peut être formé par des députés indépendants et des blocs politiques regroupés sous la coupole du Parlement au sein d’une même grande coalition. Cette coalition peut être créée même après l’élection du président de la République, mais avant la nomination du candidat au poste de premier ministre. L’interprétation juridique de la Cour fédérale a fait perdre à Moqtada la possession du plus grand bloc parlementaire, avec ses 73 députés. Cette interprétation a sans aucun doute servi les intérêts du « cadre de coordination », en lui donnant l’occasion – en vain – de tenter de s’allier avec les indépendants, les sunnites et les Kurdes afin de vaincre al-Sadr.Sayyed Moqtada n’a pas hésité à s’allier avec le leader kurde Massoud Barzani, le président sunnite Muhammad al-Halbousi et le leader sunnite Khamis Khanjar pour contrer la décision 

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