La situation de l’Axe de la Résistance s’est-elle améliorée ou empirée? Le martyr Qassem Soleimani accomplit davantage que le major général de son vivant

Par Elijah J. Magnier:  @ejmalrai

Traduction : Daniel G.

Il y a plus de quarante jours, un drone américain a assassiné le major général Qassem Soleimani, chef de la brigade al-Qods du Corps des gardiens de la Révolution iranienne et leader de « l’Axe de la Résistance ». Ses compagnons et lui ont été tués à l’aéroport de Bagdad après minuit dans la nuit du 2 au 3 janvier. Cet assassinat a-t-il affaibli l’Axe de la Résistance? Que s’est-il passé depuis? 

Sur le front syrien, l’armée syrienne, de pair avec ses alliés de la brigade Zoul-fi-Qar et d’autres partenaires, a enregistré un gain remarquable en libérant les 432 km de la route reliant Damas à Alep pour la première fois depuis 2012. Elle a élargi le périmètre de sécurité sur son flanc ouest. Les villes stratégiques de Saraqeb, Rachidine et Khan al-Asal ont été libérées, de même que la colline d’El-Eiss, une hauteur que le major général Soleimani a toujours voulu libérer. Le Hezbollah y a perdu 23 officiers qui y sont enterrés et souhaite rapatrier leurs corps.

Aux côtés du commandement russe, l’Axe de la Résistance a sa place dans un centre opérationnel à Alep qui assure la coordination avec d’autres éléments à Damas et Hmeimim. C’est de là que se décide la progression de la bataille contre les djihadistes et que provient le soutien nécessaire au renseignement et l’appui aérien. L’armée syrienne est parvenue à créer un vaste périmètre de sécurité le long de la route M5 (Damas-Alep), que la Turquie avait promis de sécuriser (sans succès) en octobre 2018. Ces progrès indiquent une voie stratégique reposant sur des objectifs plutôt que sur des dirigeants en particulier. L’objectif en Syrie, un élément essentiel de l’Axe de la Résistance, est de libérer tout le pays, peu importe quels dirigeants sont tués en progressant dans cette voie. Bon nombre de généraux syriens réputés ont perdu la vie durant ces neuf années de guerre, mais la libération de la Syrie se poursuit. 

L’Iran et la Russie discutent avec la Turquie afin de maintenir le dialogue avec la Syrie, en dépit des conséquences de la bataille en cours. La perte du major général Soleimani ne changera en rien leurs objectifs. 

En Irak, le major général Soleimani n’aurait pas osé rêver d’une décision politique appelant les forces armées américaines à quitter le pays. L’Irak a adopté une décision significative qui transformera les forces US légalement présentes aujourd’hui en forces d’occupation si le calendrier de départ convenu n’est pas respecté. 

L’Irak doit garder un petit contingent de forces de l’OTAN au pays à des fins d’entraînement et d’obtention de pièces détachées, car l’Irak s’est procuré beaucoup d’armement auprès des pays de l’Alliance atlantique. Cependant, le gouvernement de Bagdad ne peut offrir aucune garantie de sécurité à ces officiers de l’OTAN, en raison de la haine populaire que les USA ont engendrée en tuant un commandant irakien de haut rang estimé, Abou Mahdi al-Muhandes, lors de l’attaque assassine illégale des USA à l’aéroport de Bagdad. Le premier ministre nouvellement élu devrait former son gouvernement en mettant de l’avant son plan prévoyant l’établissement d’un calendrier de retrait des troupes US.

De plus, c’est la première fois dans l’histoire de l’Irak depuis l’occupation de 2003 que la résistance irakienne est unie autour d’un même leader. L’appel de Moqtada al-Sadr à manifester dans les rues contre les USA lui a permis d’acquérir une grande popularité. Tous les groupes, en dépit du désaccord initial de Nouri al-Maliki et de Sayyed Ammar al-Hakim, ont accepté le choix d’al-Sadr de nommer Mohammed Allawi premier ministre. Moqtada al-Sadr était une source de préoccupation pour le major général Soleimani, qui n’appréciait guère les changements de position politique continuels de Moqtada. D’autant plus que le chef sadriste s’opposait aux Hachd al-Chaabi, même s’il avait sa propre brigade, la brigade 313, et appelait au désarmement de tous les groupes irakiens faisant partie de l’Axe de la Résistance. Moqtada travaille maintenant côte à côte avec ces groupes, ce que le major général Soleimani n’a jamais pu réaliser.

Au Liban, un nouveau gouvernement a été constitué sous Hassan Diab, au sein duquel les plus proches alliés des USA au Liban brillent par leur absence. L’Axe de la Résistance a poussé en faveur de la création d’un gouvernement et a aidé Diab à surmonter bien des embûches à la formation du gouvernement actuel. Diab a accepté les suggestions de l’Axe de la Résistance lorsqu’il a formé son gouvernement, en garantissant la légitimité du Hezbollah à défendre le pays contre toute agression étrangère. 

Le parlement libanais a donné à Diab la confiance qu’il lui fallait pour amorcer son mandat. L’Axe de la Résistance a réussi à empêcher un vide de pouvoir ou la progression du chaos au Liban. Aujourd’hui, de nombreux pays contactent le premier ministre pour le soutenir dans sa tâche difficile de sortir le pays de sa pire crise économique depuis son indépendance en 1945. Aujourd’hui au Liban, les militants du Hezbollah continuent de recevoir leur plein salaire en dollars US, en dépit de la « pression maximale » exercée sur l’Iran et des dures sanctions imposées au Hezbollah.

En Palestine, la rue s’est mobilisée contre « l’accord du siècle » présenté par l’administration américaine. Tous le rejettent, y compris le président Mahmoud Abbas, qui a d’ailleurs mis fin à l’accord d’Oslo et à toute forme de coopération en matière de sécurité avec Israël et les USA. Les Palestiniens de tous les milieux insistent sur leur droit au retour et rejettent « l’accord » qui leur enlève toutes les ressources en eau douce, leur accès à la mer Morte et 30 % de leur territoire en Cisjordanie. Il est rare de voir pareille unité parmi tous les groupes palestiniens derrière une même cause. 

En Afghanistan, les USA ont admis qu’il y avait une activité inhabituelle de la part des Talibans depuis le début de l’année. Le général Franck McKenzie, qui commande toutes les forces US au Moyen-Orient, a reconnu que « l’activité iranienne est à la hausse en Afghanistan, ce qui présente un risque pour les forces des USA et de la coalition qui s’y trouvent. L’Iran y décèle peut-être une possibilité de s’en prendre à nous et à la coalition par l’entremise de ses mandataires ». McKenzie y voit là « une tendance inquiétante d’intentions malignes de la part de l’Iran ».

Les Talibans ont abattu un avion américain utilisé par la CIA. Le Pentagone a reconnu la mort de deux officiers qui s’y trouvaient, mais en se gardant d’en dire plus. 

Au Yémen, le porte-parole des forces armées yéménites, le général Yahya Saree, a révélé les détails d’une opération militaire particulièrement audacieuse contre les forces de la coalition dirigée par les Saoudiens entre Naham et Ma’reb dans le cadre de l’opération « Buniyan al-Marsus ». Il a précisé que 17 brigades ont subi des attaques et que les forces yéménites ont pris le contrôle d’un vaste secteur dans la province. De plus, le Yémen développe sa capacité militaire plus que jamais, en frappant loin en Arabie saoudite où se trouvent ses ressources pétrolières. 

La progression de l’Axe de la Résistance semble inéluctable malgré l’assassinat du major général Soleimani. La naissance d’une nouvelle résistance au nord-est de la Syrie, dans la province d’Hassaké, fait ressortir une spontanéité sur laquelle l’Axe de la Résistance peut s’appuyer. Le terreau fertile que représente le village de Khirbet Ammo a entraîné une nouvelle vague de résistance dans d’autres localités contre les forces d’occupation américaines, dont l’objectif est de voler le pétrole syrien, comme l’a déclaré le président Donald Trump. Des hommes non armés se sont élevés contre un convoi US fortement armé en l’enjoignant à ne plus revenir. C’est une mentalité et un objectif qui se cultivent depuis des années et qui ont pris racine parmi les membres de l’Axe de la Résistance. 

Tout ce qui se passe fait ressortir l’inutilité de tout faire reposer sur les épaules de dirigeants individuels. Les meilleurs d’entre eux savent qu’ils seront tués le long du parcours. Chose certaine, le martyr Qassem Soleimani est en voie d’accomplir davantage que le major général de son vivant. 

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