Tous les regards sont tournés vers Kaboul : Quelles sont les sources d’inquiétude?

Par Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

Tous les regards à l’échelle régionale et internationale sont tournés vers l’évolution de la situation dans la capitale afghane, Kaboul, prise par les talibans après la fuite du président Ashraf Ghani, de son adjoint Omarullah Saleh et d’autres responsables de l’État. Cette sortie des dirigeants afghans a incité l’ancien président Hamid Karzai à demander aux talibans de prendre le contrôle de la capitale. Mais quelle est la cause d’un tel choc dans le monde, un monde qui s’attendait au départ des USA et des forces internationales (OTAN) dans deux semaines? Est-ce le départ anticipé ou le fait que les talibans d’aujourd’hui pourraient être différents des talibans des années 1990? Qu’adviendra-t-il aussi des minorités et des droits de la personne? 

Après avoir flotté pendant 20 ans, le drapeau des USA est disparu du haut de leur ambassade dans la capitale afghane, Kaboul, que le président Joe Biden a décrit comme le cimetière de tous les empires, alors que les talibans entraient dans la ville sans livrer la moindre bataille ni verser de sang. L’absence de résistance contre les talibans a causé un choc dans le monde entier, plus particulièrement au sein de l’administration américaine, qui s’attendait à ce que l’armée afghane se batte et tienne ses positions pendant au moins six mois. 

Cela fait ressortir toute l’ampleur des inexactitudes et de l’échec catastrophique des services du renseignement américains, sur lesquels se fiait le président Joe Biden hier encore. Biden jetait son dévolu sur les « 300 000 soldats afghans » qui, selon lui, « sont les mieux armés et les mieux entraînés par les forces US, alors que le mouvement taliban ne compte que 70 000 combattants » disséminés sur une zone géographique égale à deux fois la taille de la Grande-Bretagne. Cette prise de contrôle non anticipée de Kaboul par les talibans a stupéfié le monde. On se doit maintenant de tenter d’anticiper l’avenir. La grande question est la suivante : Que se passera-t-il désormais après la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans?

On ne s’attendait pas à ce que les forces talibanes mettent la main sur la capitale afghane aussi rapidement. Leur délégation est arrivée à Doha, au Qatar, le matin même de la reddition de Kaboul (qui a eu lieu à 17 h 20, heure locale), pour tenir une réunion avec la délégation du président afghan Ashraf Ghani, sous l’égide du Qatar et des USA. La réunion avait été conviée en vue de parvenir à un accord sur la mise en place d’un gouvernement de transition incluant tous les partis et les groupes ethniques influents de l’Afghanistan. Cependant, les rumeurs de l’entrée imminente des talibans à Kaboul se sont propagées rapidement, provoquant la panique dans la capitale, surtout après la prise de la base aérienne de Bagram et la libération de plus de 5 000 détenus de la prison de Pul-e-Charkhi. Cette prison, censée être la plus grande d’Afghanistan, contenait un bloc de cellules à sécurité maximale où étaient détenus de nombreux prisonniers talibans et membres d’Al-Qaïda.

Cette crainte de la réaction des talibans à leur arrivée dans la capitale a rapidement incité les forces de sécurité et la police à évacuer leurs postes et à se retirer des rues. L’absence de forces de sécurité a permis à des voleurs de saisir l’occasion et de piller de nombreux commerces. C’est ce qui a poussé l’ancien président Hamid Karzai à entrer en contact avec le président du Haut Conseil pour la réconciliation nationale Abdullah Abdullah et le leader pachtou Gulbuddin Hekmatyar pour qu’ils demandent aux chefs talibans d’assurer la sécurité de la population. Après le départ du président Ghani pour Tachkent, en Ouzbékistan, l’armée afghane n’avait plus de raison de se battre et a abandonné ses positions de défense de la ville.

Le palais présidentiel a été remis aux chefs talibans en vertu d’un accord avec le président Ashraf Ghani, dans le cadre d’un processus pacifique au cours duquel il n’y a eu aucun acte de sabotage et aucune effusion de sang. Cela n’a toutefois pas empêché la fuite massive de Kaboul : des milliers d’Afghans se sont rués vers l’aéroport, en particulier ceux qui croyaient en la validité des rumeurs qui circulaient selon lesquelles tous ceux qui se présenteraient à l’aéroport seraient transférés vers un pays européen ou un pays membre de l’OTAN. Les forces des pays de l’OTAN souhaitaient évacuer, en coordination avec le commandement militaire américain, leurs propres ressortissants et diplomates d’Afghanistan dans un premier temps, et plus de 60 000 collaborateurs afghans et leurs familles dans un second temps. Les talibans ont permis que l’évacuation se déroule sans être perturbée. Les talibans souhaitaient le départ de toutes les forces étrangères, y compris celles de la Turquie, membre de l’OTAN, malgré les relations de longue date entre les deux pays. Tous les collaborateurs afghans ont obtenu un pardon et le choix de rester ou de partir s’ils le voulaient. Les talibans ont demandé à tous ceux qui ont collaboré avec les USA de rester chez eux et de ne pas quitter le pays, en disant qu’ils n’ont rien à craindre.

La poussière de cette situation en évolution n’est pas encore retombée. Les talibans seront confrontés à d’importants défis après s’être emparés de l’Afghanistan. En prenant le contrôle des frontières avec les pays voisins, les talibans ont enrayé le moteur économique qui roulait ces dernières semaines et empêché les importations d’atteindre le pays. Cela a entraîné une hausse des prix des marchandises de plus de 40 à 50 %. Les talibans ont toutefois permis aux camions d’entrer en Afghanistan et d’en sortir le jour suivant la prise de la capitale. Cette mesure a permis d’alléger la pression économique, sans toutefois empêcher la détérioration de la monnaie locale par rapport au dollar US.

Les taliban ont tenu à signaler qu’ils n’étaient plus les talibans de 1996, qui avaient choisi de s’isoler en se faisant de nombreux ennemis dans les pays voisins et au sein de la communauté internationale. Ils affirment aujourd’hui vouloir établir de bonnes relations avec tous les pays sur la base du respect de la souveraineté commune. Ils ont commencé par décréter une amnistie générale – la troisième fois en une semaine – pour tous les employés de l’État, ce qui est indispensable pour empêcher l’effondrement du système en place depuis vingt ans. 

Il est toutefois trop tôt pour juger les « nouveaux talibans » et leurs pratiques. Il faudra attendre plusieurs mois après leur prise de pouvoir pour savoir comment les talibans vont gérer les affaires de l’État. Comment vont-ils traiter les minorités, respecter les droits des citoyens et la pratique des rites religieux, notamment ceux des Hazaras de Mazar-i-Sharif et d’autres provinces?

Il y a des étapes nécessaires à suivre dont la nouvelle direction des talibans devrait se préoccuper en premier lieu, qui pourraient ressembler à ceci :

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