La Partition de la Syrie, est-elle encore une possibilité? La Turquie est la plus grande faute des EU dans cette guerre

 

 

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Key words: Syrie, Turquie, E.U., Russie, Iran, Hezbollah, Alep, Idlib, Raqqah.

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Ang: https://ejmagnier.com/2016/12/12/is-the-partition-of-syria-still-possible-turkey-and-the-us-biggest-mistakes-in-this-war …

Damas, Elijah J. Magnier – Avec la chute d’Alep et son retour sous le contrôle du gouvernement central syrien, la plupart des villes syriennes significatives ne sont plus sous le contrôle des djihadistes et des autres rebelles soutenus par l’Amérique, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Cet événement stratégique démontre que la Russie a repris la main, battant l’administration américaine à Bilad al-Sham bien que la guerre soit loin d’être finie. Le début de la fin de la guerre en Syrie a maintenant commencé.

Les villes de Suweida, Daraa, Damas, Homs, Tartus, Lataquié, Hama, Alep, Deirezzour (en partie) et al-Hasaka, sont donc hors du contrôle des djihadistes et des rebelles. Le plan pour diviser la Syrie a bien moins de chances de survie aujourd’hui, grâce à l’intervention russe de plus d’un an et demi dans ce pays alors si chaotique et divisé. La Russie a imposé une Syrie unie : elle a pulvérisé le plan américain pour créer une fédération Kurde dans le nord (d’al-Hasaka à Afrein), une “enclave sunnite” à Deirezzour et Raqqah et une “zone tampon” dans le sud de la Syrie, de Daraa à Quneitra, le long de la frontière Syro-Israélienne.

Aujourd’hui, Raqqah avec 300-400.000 habitants reste dans le groupe “Etat islamique” (ISIS/Daesh), Idlib est sous les djihadistes d’al-Qaida et autres rebelles de diverses appartenances (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, EU) qui contrôlent aussi certaines zones rurales dans différentes parties du pays. Par conséquent, la plupart des habitants de Syrie qui restent dans le pays vivent sous le contrôle du gouvernement syrien.

La Russie a décidé de participer à la guerre de Syrie au milieu de l’année 2015 quand l’armée syrienne et ses alliés (Iran et Hezbollah) ont décidé de limiter leur contrôle à des zones et des villes spécifiques, permettant au Président syrien Bashar al-Assad de rester un des acteurs en Syrie. En fait, au milieu de 2015, le Hezbollah récupérait ses forces à Alep, refusant de perdre plus d’hommes dans le seul but d’améliorer les termes de la négociation politique. Il a accepté de facto les lignes de démarcation entre les forces syriennes et celles des djihadistes et de ses alliés rebelles.

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Si nous retournons maintenant au début de la guerre en Syrie, Assad a toujours insisté sur la nécessité de garder Alep sous le contrôle de Damas. Les habitants de la ville n’ont pas suivi les djihadistes ni les the sponsors régionaux. Les habitants des zones rurales autour d’Alep ont forcé le soulèvement de juillet 2012, un an après la révolte, quand les milices soutenues par la Turquie ont envahi la ville considérée comme la principale capitale industrielle de Syrie. Ankara avait l’intention d’annexer Alep puisqu’il y avait un plan régional et international pour diviser le pays en différentes parties, condamnant de fait l’accord Sykes-Picott.

Néanmoins, Assad n’a pas réussi à protéger Alep : elle est tombée entre les mains des djihadistes et de leurs alliés, et il s’est trouvé défendant la capitale, Damas, face à Jabhat al-Nusra (al-Qaeda au Levant) à Sahat al-Abbasiy’yeen, le cœur de la ville.

C’est le moment où Assad a appelé le Hezbollah et l’Iran au secours pour sauver la capitale en mars 2013. Malgré l’intervention vigoureuse des alliés d’Assad qui parvinrent à contrôler le Quseyr, Homs, Hama, Qalamoun et Zabadani, le flot des armes, de la finance et des hommes en provenance des EU et des pays de la région se sont rudement imposés.

Assad et ses alliés ont consolidé les positions des forces gouvernementales mais ne sont pas parvenus à reprendre la plus grande partie des zones rurales de Syrie. Il a donc été décidé de jouer la dernière carte avant de se replier sur les principales villes et accepter un front figé. En été 2015, le chef des Gardes du corps révolutionnaire iranien (IRGC) – la brigade al Quds de Qassem Soleimani est allé à Moscou pour expliquer la situation militaire réelle au sol. L’Iran a expliqué pourquoi elle ne pouvait pas faire face aux EU (et à ses alliés au Moyen Orient) et à la Turquie, qui étaient en train de devenir les principaux acteurs de la guerre en Syrie. La Turquie était décidée à diviser la Syrie, fournissant aux djihadistes (y compris des combattants étrangers) et à leurs alliés des armes et des hommes, et apportant des renseignements.

 

Les erreurs de la Turquie qui ont contribué à changer les cours de la guerre :

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La première et plus grande erreur a été de permettre aux djihadistes et à leurs alliés d’attaquer Lattaquié au début de 2014 et leur permettre d’atteindre Kessab et la Méditerranée. Ils ont bombardé Lattaquié et Tartus, où non seulement vivaient des millions de réfugiés syriens provenant de toute la Syrie, mais aussi où la Russie a une base navale installée depuis longtemps, et qui constitue pour elle une fenêtre sur la Méditerranée.

 

Les raisons stratégiques de Moscou d’intervenir dans la guerre de Syrie étaient :

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La Turquie fait partie de l’OTAN : les EU y ont environ 50 bombardiers nucléaires B61 sur la base aérienne du sud de la Turquie. Que la Turquie contrôle la Syrie voudrait dire que les EU peuvent exiger du futur gouvernement de Damas, s’ils gagnent, de serrer son étau sur la base navale russe de Tartus et les pousser à partir. Moscou perdrait une fenêtre stratégique sur la Méditerranée.

En outre, l’attitude passive de la Russie lors du changement de régime en Libye en 2011 a privé Moscou d’un rôle important dans les affaires du Moyen Orient. De même, la perte de l’“Axe de résistance”, incluant la Syrie (L’Iran et le Hezbollah), laisserait peu de chances à la Russie de rester à Bilad al-Sham, comme le stipule un accord avec le régime baasiste syrien datant de 1971, une décision prise par l’ancien Président Hafez Assad, non par son fils Bashar.

En plus, la Russie considère que la guerre en Syrie est une occasion en or pour montrer ses capacités militaires en manœuvre réelle au cours d’une vraie guerre. Moscou pouvait apprendre, tirer des leçons de la guerre et mettre à niveau ses capacités militaires en faisant face à un nouveau type de bataille associant le combat classique et la guérilla, un schéma jamais rencontré auparavant dans l’histoire moderne. En outre, l’aviation russe a entrainé d’excellents nouveaux pilotes qui, au lieu de servir sur des cibles simulées, utiliseraient des objectifs réels à attaquer pour apprendre.

Le budget annuel dédié au Ministère de la Défense a été investi en Syrie où la Russie a conduit une “guerre propre” à 30.000 pieds, malgré les prédictions de la plupart des analystes occidentaux qui prédirent un enlisement dans le bourbier syrien. De plus en plus ceux-ci prédisent ce qui est souhaitable plutôt que ce qui est probable. La Russie a refusé la demande d’Assad de prendre la main à Alep parce que ce n’était pas sa première priorité ni son premier objectif. La Russie était en train d’essayer de tenir le bâton par le milieu pour créer un équilibre entre ses bonnes relations avec Israël, ses liens étroits avec l’Arabie saoudite, et son important lien commercial avec la Turquie. C’est pourquoi Poutine a fait la guerre depuis le ciel, avec peu de troupes au sol, pour reprendre la ceinture de sécurité autour de Tartus-Lattaquié, Damas, Daraa, pour reprendre la ville archéologique de Palmyre et permettre une cérémonie musicale pour célébrer sa victoire dans une guerre courte avec très peu de pertes russes. La victoire russe a, une fois encore, déjoué toutes les attentes des analystes (ou leurs secrets espoirs), qui avaient prévu un échec quelques mois à peine après le début de la première intervention.

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Mais la Turquie attendait une occasion de frapper la Russie, et croyait qu’il serait possible de jouer avec l’ours russe sans avoir la moindre égratignure. Erdogan voulait aussi montrer qu’il était un “leader islamique” comme étant celui qui incarne la cause musulmane au nom des musulmans de Syrie. Sa défense antiaérienne a abattu un Su-24 et les allies de la Turquie ont tué le pilote russe alors qu’il avait sauté en parachute après que son avion ait été touché. Ceci montra ensuite que la Turquie ne maitrise pas l’art de la guerre et n’a pas su anticiper la réaction russe avant de jouer à ce jeu dangereux.

La Russie a changé ses objectifs en Syrie en faveur d’une politique plus réfléchie mais plus agressive, tournant le dos au but équilibré d’avant : la réputation de la Russie était en jeu. L’absence d’action américano-turque a furieusement et stratégiquement provoqué l’ours russe qui était maintenant prêt à renverser tout sur son passage. Moscou a imposé un embargo financier à la Turquie et détruit en quelques semaines ce que la Turquie avait bâti en cinq ans avec ses alliés en Syrie. La Russie a décidé de libérer Alep et de la rendre à Damas, a interrompu le plan américain de Fédération kurde dans le nord (de Hasaka a Efrin) et a privé Israël de sa “zone tampon”. Moscou a dicté les règles du jeu en Syrie et donné moins d’attention à l’administration Obama, et ceci malgré la propagande féroce des media américains et anglais, et a mis son veto sur toutes les décisions américaines en Syrie aux Nations Unies. Les moyens russes ont été augmentés en Syrie dans ce but.

La réaction russe :

La Russie a arrêté la Turquie à la porte de la ville septentrionale d’al-Bab pour empêcher ses alliés d’affronter l’armée syrienne aux portes d’Alep. Après des semaines de négociation, le feu vert a été donné a Erdogan pour un gain supérieure : Idlib. Moscou a donné à Assad une légitimité en forçant la communauté internationale à négocier avec les représentants de Damas à Genève sur l’avenir de la Syrie. Grâce au soutien sans faille de la Russie, Assad a menacé le Président turque Recep Tayyib Erdogan pour la première fois depuis des décennies. La Russie a également négocié au nom de Damas et de Téhéran (comme les Américains négocient au nom des djihadistes et des rebelles), parce que l’arène appartient maintenant aux forces du Kremlin.

Ce n’est plus une guerre entre la Turquie, l’Arabie saoudite et Qatar d’un côté et Assad et l’Iran de l’autre. C’est une guerre entre la Russie et l’administration américaine. Obama a perdu la bataille (non la guerre) de Syrie contre la Russie dès lors qu’il a accepté la menace de Moscou “tout avion approchant l’espace aérien syrien sera abattu si ce n’est pas en coordination avec la base militaire russe”. Les tensions entre la Russie et les EU ont conduit le monde à une ‘limite dangereuse’.

Ce qu’a gagné l’Iran :

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En ce qui concerne l’Iran, ses forces sont présentes en Syrie depuis 1982 quand l’Imam Khomeini a envoyé ses gardes révolutionnaires dans la région de Zabadani pour former et entrainer le Hezbollah au Liban après l’invasion israélienne de 1982. Par conséquent, la victoire d’Alep n’est pas une victoire personnelles d’Assad mais une victoire de la Russie et de l’“axe de la résistance” (même si la Russie ne fait pas partie de cet axe). C’est aussi une victoire du gouvernement syrien contre le terrorisme et ses alliés américains. En demandant à la Russie d’intervenir, l’Iran est parvenu à protéger le Hezbollah au Liban tandis qu’une victoire des djihadistes et des rebelles aurait rendu le soutien militaire de l’Iran et du Hezbollah beaucoup plus difficile. Les djihadistes et les rebelles ont demandé, dès 2012, de couper le cordon ombilical entre Téhéran et le Hezbollah via Damas, un passage obligé pour toutes les armes sophistiquées et les missiles qu’ils reçoivent régulièrement. Sans un flot régulier d’armes, il aurait été difficile au Hezbollah de faire face à la machine militaire israélienne au Liban comme il l’a fait pendant la guerre de 2006. Avant la guerre de 2011, l’Iran avait droit a traverser Damas pour approvisionner le Hezbollah. Aujourd’hui les forces iraniennes se trouvent répandu sur tout le territoire Syrien.

Conséquences de la guerre de Syrie pour les EU et Israël :

La magie s’est retournée contre le magicien : malgré un soutien direct et indirect total aux djihadistes (al-Qaida) et aux autres rebelles, les fautes américaines en Syrie ont produit des conséquences stratégiques qui ont virtuellement anéanti les intérêts américains et israéliens dans la guerre de Syrie.

En quoi la guerre de Syrie a-t-elle profité à les alliés de Damas ?

  1. Elle a créé une puissante zone d’influence russe au Moyen Orient dont le Kremlin n’aurait jamais osé rêver.
  2. Elle a permis à la Russie de montrer ses capacités de défendre ses alliés et ses amis en cas de nécessité en apportant une puissance militaire létale, proportionnée aux besoins de la bataille, mais aussi en offrant sa protection à l’ONU.
  3. Elle a permis à la Russie d’utiliser la guerre de Syrie comme son meilleur terrain de formation, apportant ses capacités de feu et permettant à ses forces d’apprendre différents types de guerre, tactiques classique ou de guérilla utilisées par les djihadistes. C’est le rêve de toute armée.
  4. Elle a donné à la Russie la possibilité de montrer son armement, ses avions stratégiques et ses missiles, ses avions de transport et sa capacité de frapper des cibles de très loin, offrant à Moscou un nouveau marché d’armes.
  5. Elle a offert à la force organisée mais irrégulière du Hezbollah l’usage d’armes classiques sur le théâtre de la guérilla au travers d’une de ses unités les mieux entrainées pour les opérations spéciales. Le Hezbollah a accumulé de l’expérience dans les forces mobiles confrontées à l’artillerie ou à la couverture aérienne face à des troupes entrainées par les forces spéciales des EU : ceux-là même qui ont combattu en Afghanistan contre la Russie en 1979 et qui ont combattu les forces américaines en Irak. Le Hezbollah a également acquis de l’expérience en combattant aux côtés de l’armée syrienne, pour tester leurs forces et leurs faiblesses, ainsi que leur fiabilité dans le combat réel. Le Hezbollah va évidemment tiré profit de ces expériences uniques pour sa prochaine guerre contre son ennemi éternel, Israël.
  6. L’Iran a pu s’établir en Syrie une fois encore, en offrant son soutien financier et apportant des alliés au combat dans le pays. Sa présence future sera peut-être mieux tolérée par ses habitants qu’avant la guerre.
  7. L’armée syrienne est transformée d’une armée passant la plus grande partie de son temps face aux barricades en une armée professionnelle ayant une grande expérience de la guerre, capable d’agir en harmonie avec les autres armes (air, mer, terre, infanterie et forces irrégulières).
  8. Elle a contraint le gouvernement de Damas à créer une Force de Défense Nationale (NDF) et 16 Brigades supplémentaires de Forces Spéciales qui ont bénéficié d’un an et demi d’entrainement, et sont capables d’utiliser toutes sortes d’armes : équipées d’une idéologie robuste et de l’enthousiasme requis pour faire face à une idéologie très semblable à celle du Hezbollah. Cette force va, sans aucun doute, être utilisée pour réclamer la restitution par Israël des hauteurs occupées du Golan.

L’Iran et le Hezbollah sont-ils prêts à attaquer Israël ?

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Pour le moment La Russie n’est pas concernée par le conflit entre l’Iran, le Hezbollah et Israel ; par conséquent, on ne doit craindre aucune attaque soudaine à la frontière Syrie-Israël tant que dure cette guerre seulement si Israël bombarde des objectifs militaires de Hezbollah sans perte humaines.

Néanmoins, Assad peut envisager de réclamer sa terre puisqu’il a maintenant autant de forces potentielles que le Hezbollah. Assad n’a plus besoin d’armes chimiques, qui ont provoqué trop de bruit dans le monde entier. Des missiles à longue portée et d’une capacité destructive suffisante et une force capable d’agir sur un théâtre de guérilla comme le Hezbollah : ces deux éléments ont produit une combinaison terrifiante, qui donnent à Israël et aux EU bien des motifs d’inquiétude.

Pourtant, la guerre n’est pas encore terminée

La guerre de Syrie n’est pas encore finie ; toutefois, le futur s’est éclairci avec la détermination de la Russie à gagner quels que soient les changements ou les complications. Il n’est plus question de la mort ou de la destitution d’Assad.

La Russie a gagné cette bataille en Syrie. Si le Président élu Donald Trump est fidèle à ses engagements politiques de ne pas faire tomber des gouvernements mais de combattre le terrorisme, cela voudra dire que les EU n’ont pas perdu. Dans ce cas, les objectifs russo-américains seront les mêmes, mais ceci après la mort de centaines de milliers de gens, et le déplacement de millions de réfugiés, causés par l’interventionnisme des administrations “neocon” des États-Unis. Quand deux superpuissances se combattent au Moyen Orient, il ne peut pas y avoir de gagnant dans cette partie du monde, seulement la destruction de la terre, et des gens perdant leur vie ou leur propriété.

Traduction: Prof. Olivier dulac.

 

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