Damas reprendra le contrôle du sud de la Syrie, qu’il y ait accord ou pas entre Russes et Israéliens

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Par Elijah J. Magnier – @ejmalrai

Traduction : Daniel G.

La Russie a décidé d’engager un dialogue avec Israël pour ramener le sud de la Syrie sous le contrôle du gouvernement central à Damas, malgré l’accord de désescalade conclu il y a quelques mois entre les USA, la Russie, Israël et la Jordanie. Moscou négocie toujours les détails de l’accord avec Damas et Téhéran pour s’assurer que ses principaux alliés ne le rejettent pas et préfèrent imposer leur volonté à Israël.

Des sources bien au fait de l’évolution des négociations entre Moscou et Tel-Aviv m’ont informé qu’il reste encore quelques détails à régler parce qu’Israël craint un retour des alliés de la Syrie (Iran et Hezbollah) à sa frontière avec la Syrie, qui est en fait la ligne de démarcation de 1974 établie à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1973.

Selon les sources, il a été convenu d’éliminer la présence des quelque 1 500 militants de Daech occupant huit villages dans la zone frontalière de Quneitra entre la Jordanie, Israël et la Syrie, sous le nom d’Armée Khalid bin al-Walid. Ces militants se verront offrir la possibilité d’être transportés par autobus vers le nord, près d’al-Soukhna, où subsiste encore une poche de Daech totalement encerclée par l’armée syrienne et ses alliés qui, en ce moment même, est le théâtre d’opérations militaires visant à éliminer ce qui reste du groupe terroriste. Une autre poche de Daech est toujours active sous la protection des forces d’occupation US dans les provinces d’Hassaké et de Deir Ezzor, au nord-est de la Syrie.

La Russie a relayé la détermination de Damas à reprendre le contrôle du sud et son intention d’utiliser ses forces – avec ou sans l’assentiment d’Israël – pour libérer le sud de la présence des djihadistes et de leurs alliés. Il serait donc préférable qu’Israël accepte la médiation des Russes plutôt que de se retrouver sans accord du tout. En fait, si Israël rejette l’accord russe, l’Iran et le Hezbollah retourneront dans le sud, prêts à reconquérir les hauteurs du Golan occupé.

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Hisba (islamic Police) of Jiash Khaled Bin al-Waleed in Hawd al-Yarmouk (Quneitra) during this month of Ramadan.

Malgré la supériorité militaire d’Israël, « l’Axe de la résistance » (Iran, Syrie et Hezbollah) a déjà imposé ses « règles d’engagement au Golan » à Israël, selon lesquelles toute attaque israélienne contre les forces syriennes ou iraniennes déployées au Levant entraînera le tir de missiles vers les hauteurs du Golan et plus loin encore, comme l’a averti récemment le chef du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah. Les attaques israéliennes contre les transports ou les entrepôts d’armes du Hezbollah destinés au Liban sont exclues de ces « règles d’engagement au Golan » pour l’instant.

Les Israéliens ont entendu le message : l’armée syrienne se dirige vers le sud pour libérer le territoire, qu’il y ait accord ou non. C’est à Moscou que l’idée de l’accord russo-israélien a germé, pas à Damas ni à Téhéran. Le patron russe voudrait mettre fin à la guerre militaire et la remplacer par une guerre politique faite de compromis, sans véritables gagnants ou perdants, où toutes les parties en ressortiront plus ou moins indemnes avec des victoires modestes.

 

Le ministre russe Sergei Lavrov a déclaréque « toutes les forces non syriennes doivent se retirer de l’ensemble de la zone frontalière avec Israël au sud le plus tôt possible ». Cette déclaration comporte plusieurs facettes : al-Qaeda et ses combattants jordaniens, palestiniens et étrangers se trouvent au sud de la Syrie; d’autres combattants étrangers, et locaux, ont joint les rangs de Daech (Armée Khaled Bin al-Waleed); mais les Iraniens, le Hezbollah et leurs alliés n’ont aucune présence dans le sud.

L’Iran et le Hezbollah ont entraîné et équipé au moins 16 groupes locaux de la résistance syrienne, dont le « Hezbollah syrien », durant les sept années de guerre imposées à la Syrie. Ces groupes sont présents dans chaque ville syrienne, y compris au sud et au nord, sont bien armés et ont bénéficié de l’expérience que le Hezbollah a tirée de sa lutte contre Israël. Il ne fait aucun doute que ces groupes vont se tourner contre Israël un jour quand la guerre aura pris fin, mais aussi contre les forces américaines, britanniques et françaises si leur occupation perdure au nord du Levant.

La déclaration de Lavrov jette aussi les bases d’une solution pour le nord de la Syrie, une fois que la question du sud sera réglée. Si le modèle proposé dans le sud fonctionne sans trop de dommages pour l’ensemble des parties, la Russie voudra l’imposer aussi aux milliers de militaires américains et européens sur place, ce qui les forcera à quitter le pays.

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D’après les sources, le dialogue russo-israélien s’attarde maintenant aux menus détails. Israël a demandé une zone de sécurité de 40 km, puis de 15 km, ce que Damas a rejeté. Israël s’est tourné alors vers le type d’armes que la Syrie devrait déployer dans le sud. Damas croit que ses missiles peuvent atteindre tout le territoire israélien, qu’il soient lancés à partir du sud, de Damas ou de la chaîne de montagnes entre la Syrie et le Liban. Cette demande israélienne est par conséquent jugée naïve aux yeux de Damas et de Téhéran.

« L’Axe de la résistance » est déterminé à reprendre le sud. Si les forces du gouvernement central syrien arrivent à libérer Daraa, Quneitra et les environs, ce sera une victoire pour la Syrie, l’Iran et le Hezbollah. Les alliés de Damas n’ont aucun intérêt à être présents physiquement à la frontière avec Israël, puisque les forces syriennes locales, dont celles du Hezbollah, suffisent amplement pour libérer leur propre territoire et imposer la même idéologie et la même motivation que celles de « l’Axe ».

Quelques détails restent encore à régler, mais l’accord en général est pratiquement conclu. L’armée syrienne va libérer le sud, reprendre le territoire des mains de tous les djihadistes (et des forces pro-israéliennes) et rouvrir le passage frontalier commercial de Nasib avec la Jordanie.

Une fois la touche finale apportée à la guerre syrienne dans le sud, toute l’attention se déplacera vers le nord, où la situation est plus compliquée et difficile. Les compétences de Poutine comme judoka ne suffiront pas à briser ce degré de complexité. Le temps est venu pour les Kurdes de se réveiller.

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