Par Elijah J. Magnier (à Beyrouth): @ejmalrai
Traduction : Daniel G.
Israël, par la voix de son premier ministre Benyamin Netanyahu, a brandi le drapeau de la guerre au visage de l’Iran et du Hezbollah, en montrant ce qu’il affirme être une « installation nucléaire secrète en Iran et un entrepôt de missiles stratégiques du Hezbollah au cœur de Beyrouth ». Le ballon à propos de « l’installation nucléaire secrète » s’est aussitôt dégonflé lorsque des Iraniens vivant dans le secteur ont pris des photos en face de ce qui s’est avéré être une fabrique de tapis. À Beyrouth, le mouvement Amal, qui est dirigé par le président du parlement Nabih Berri, a construit il y a fort longtemps une barrière qui bloque un chemin visible menant à un hangar de réparation de bateaux à Ouzai. La question qui se pose alors est la suivante : qu’est-ce qu’Israël cherche à faire ou à dire au juste?
Personne au Liban ne peut dire avec certitude si une guerre se prépare contre le Hezbollah, le partenaire de l’Iran qui partage son idéologie et ses objectifs de « soutenir les opprimés partout dans le monde ». Israël et les USA pourraient en effet se préparer en vue de livrer une guerre à l’Iran et au Hezbollah, ce qui rend la possibilité d’une guerre contre le Liban loin d’être exagérée. Si je dis contre le Liban, c’est parce que le Hezbollah, ainsi que la société chiite qui le protège et qui est proche de l’organisation, forment entre 25 et 30 % de la population libanaise, sans compter les membres d’autres partis politiques confessionnels et laïcs qui partagent l’objectif du Hezbollah qui est d’assurer un équilibre du pouvoir visant à protéger le Liban contre Israël.
Des commandants au Liban sont d’avis que les cibles précises considérées comme sensibles que Netanyahu a présentées lors de son spectacle à l’ONU ne sont pas cellesqu’il vise. S’il était si sûr de son coup, pourquoi n’a-t-il pas bombardé les entrepôts du Hezbollah comme il l’a fait pendant sept ans de guerre en Syrie?
Selon des sources à Beyrouth, les missiles stratégiques ne peuvent se trouver dans des secteurs résidentiels, comme dans la capitale Beyrouth ou dans d’autres villes ou villages. Des missiles sont prêts à être lancés à partir de centaines d’endroits, chacun possédant de petits stocks de réserve afin d’éviter une destruction totale comme ce fut le cas pour de nombreux entrepôts durant la deuxième guerre du Liban de 2006. De plus, le lancement de missiles balistiques à moyenne et à longue portée doit se faire très loin des grands centres afin d’éviter les dommages collatéraux en cas de lancement raté, qui est toujours possible.
La raison pour laquelle l’aéroport de Beyrouth a été ciblé par les photos satellites de Netanyahu pourrait être liée à l’intention de construire un nouvel aéroport – Qalay’aat – loin des banlieues de Beyrouth et plus proche d’un secteur que les amis des USA au Liban pourraient utiliser à bien d’autres fins.
Ce qui ressort de la présentation de Netanyahu, c’est que le Hezbollah est parvenu à imposer un « équilibre de la peur » avec son ennemi. Israël n’est plus en mesure d’endommager l’infrastructure du Hezbollah et du Liban en s’en tirant pratiquement indemne, parce que l’organisation répondra avec force en utilisant ses capacités militaires perfectionnées. Les missiles balistiques et les drones armés du Corps des gardiens de la révolution islamique contre des cibles au Kurdistan irakienet à Albou Kamal en Syrie donnent un aperçu de sa propre capacité d’atteindre des cibles en Israel, des bases Americianes au Moyen Orient, l’Arabie Saudites, mais aussi des capacités du Hezbollah, à cette différence importante près : le Hezbollah n’a pas besoin de missiles d’une portée de 500 à 800 km, mais d’une portée bien moindre. L’Iran a adapté les missiles du Hezbollah pour qu’ils aient une portée plus courte de 300 km, tout en étant munis d’ogives plus destructrices.
En outre, le Hezbollah a utilisé des drones armés relativement rudimentaires en Syrie, en réservant des surprises, selon les sources, en cas de guerre possible contre le Liban ou pour cibler des ennemis plus lointains au besoin.
En Syrie, les règles d’engagement vont changer à nouveau lorsque la Russie fournira les S-300 promis.Si Damas décide d’abattre un avion israélien, Tel-Aviv a-t-il réfléchi au sort du pilote si son avion s’écrase au Liban? A-t-il oublié ce qu’il est advenu de Ron Arad? D’après la source, le Hezbollah n’a pas l’intention d’enlever des soldats israéliens comme en 2006, parce qu’Israël ne détient actuellement pas d’otages du Hezbollah. Mais tout cadeau tombé du ciel ne sera jamais rejeté, a affirmé la source. Des milliers de Palestiniens pourraient être libérés si un pilote israélien tombait aux mains du Hezbollah au Liban.
Pareils développements ne feraient qu’embarrasser Netanyahu, qui s’est déjà couvert de ridicule en se prenant pour un journaliste d’enquête à propos d’un terrain de football au Liban et d’une fabrique de tapis en Iran. Ses performances publiques sont loin d’être dignes d’un premier ministre sérieux.
« L’Axe de la résistance » a été frappé une première fois en 2006 quand les Israéliens ont attaqué le Hezbollah, puis en 2011 avec la guerre en Syrie. En 2018, c’est au tour de l’Iran. Les deux premiers plans ont échoué lamentablement, en renforçant le Hezbollah et en faisant en sorte que l’organisation constitue aujourd’hui l’une des armées les plus puissantes du Moyen-Orient. En Irak, ces plans ont donné naissance aux Hachd al-Chaabi, une force de sécurité irakienne aux convictions idéologiques fortes, qui est prête à expulser les USA de la Mésopotamie. En Syrie, le président Assad est ressorti plus fort et ses ministres rencontrent des ministres arabes dans les corridors de l’ONU, signe d’un virage majeur dans la position arabe envers le Levant.
Avec chaque guerre ou nouvelle politique occidentale ferme visant à défaire cet « axe », qui s’appuie sur l’argent saoudien et les services de renseignements occidentaux au Levant et en Irak, ce même « axe » devient plus fort et gagne en nombre. Les bellicistes occidentaux vont-ils finir par comprendre que leur politique ne fait qu’affaiblir de façon dramatique la position de l’Occident au Moyen-Orient? J’en doute.
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