Par Elijah J. Magnier : @EjmAlrai
Le courant médiatique dominant accuse le Président américain Barak Obama d’être “faible, indécis, hésitant et même poltron ” du fait de l’absence d’engagement militaire total, non seulement en Syrie contre le Président Bashar al-Assad, mais aussi en Irak. En fait, Obama est tout à fait l’inverse. La politique moyen-orientale du Président s’est montrée jusqu’à maintenant particulièrement subtile et efficace, dans le meilleur intérêt des EU.
Obama a refusé d’envoyer des troupes combattre au sol pour le compte d’autres pays de la région. Il a limité son implication à quelques milliers de conseillers, s’est servi de forces locales désireuses de se battre et mourir pour promouvoir les intérêts des EU et de ses alliés, et a trouvé moyen de vendre encore plus d’armes, particulièrement à l’Arabie Saoudite. En fait, il a d’une certaine façon imposé sa marque à la “guerre contre le terrorisme”.
Depuis l’intervention de son armée de l’air en 2015 en Syrie, Obama a créé une sorte d’équilibre militaire au Levant. Les EU ne sont intervenus dans le cadre d’une large coalition que quand le groupe autoproclamé “Etat islamique” connu sous les noms d’ISIL, ISIS ou Daesh s’est retourné contre les plus fidèles alliés des EU, le Kurdistan irakien et l’Arabie Saoudite. Pendant des années, Obama s’est comporté en observateur, observant sciemment comment ISI (l’Etat islamique en Irak) développait ses capacités militaires dans le but de former un “état” incluant la Syrie.
Tant que l’objectif de l’activité militaire et l’expansion d’ISIS était d’occuper une partie de l’Irak, gouverné par le premier ministre pro-Iranien Nuri al-Maliki (créant un état faible et beaucoup de confusion dans les relations Irak-Iran); tant qu’ISIS constituait un sérieux danger pour Assad en Syrie avec un soutien aveugle au groupe Palestinien Hamas et à l’ “axe de résistance”, la présence d’ISIS en Irak pouvait être tolérée, et ses opérations en Syrie (alors appelé Jabhat al-Nusra) même financées par les alliés des EU au Moyen Orient.
La Syrie :
L’intervention de l’armée de l’air américaine en Syrie, au début, avait pour but de contenir ISIS, pas d’éliminer le danger qu’il représentait. Son maintien était nécessaire pour épuiser l’Iran et ses alliés à la fois en Irak et en Syrie.
ISIS devait comprendre qu’attaquer les allies des EU n’était pas envisageable et que leurs fusils devaient retourner à l’endroit où tout avait commencé, l’Irak et la Syrie. En Irak, le principal objectif d’al-Maliki, répondant à une demande iranienne dont l’auteur a été témoin, était d’empêcher l’installation d’une base militaire américaine dans le pays, quelles que soient les difficultés rencontrées par le gouvernement al-Maliki, venant de la coalition des amis chiites, ou des ennemis.
Obama se contenta donc de regarder sans intervenir, comment la Syrie se décomposait et tombait entre les mains des djihadistes: il regardait surtout quel prix l’Iran devait payer pour tenter de sauver son allié Assad. L’Iran a envoyé en Syrie des troupes venant du Hezbollah Libanais, le plus féroce ennemi d’Israël et envoya d’autres militants Irakiens, Pakistanais et Afghans.
Obama a précisément choisi ses cibles sur le terrain d’ISIS: en effet, à plusieurs reprises ses pilotes ont exprimé leur frustration, ayant pour mission de survoler ISIS sans larguer de bombes.
Pendant plus d’un an, Obama n’a pas touché à la principale source de revenus d’ISIS, celle du pétrole, afin de pérenniser la capacité de l’organisation à combattre aussi longtemps que nécessaire pour épuiser les forces de l’Iran, du Hezbollah et de leurs milices en Syrie.
C’est seulement quand les avions russes ont frappé des centaines de camions citernes d’ISIS qu’Obama a décidé de se lancer dans la bataille pour éviter que le Kremlin en reçoive tout le crédit pour son aviation.
La diplomatie d’Obama s’est imposée d’elle-même, y compris auprès de son ennemi juré, al-Qaida (AQ). Les EU ont menacé d’allier leurs efforts militaires à ceux de la Russie pour bombarder la fraction d’AQ en Syrie, Jabhat al-Nusra, s’ils ne déclaraient pas ouvertement qu’ils rompaient les liens. Durant plusieurs mois, et encore maintenant, Obama n’a fourni à la Russie aucune information concernant la localisation des groupes syriens liés à la CIA. La Russie a demandé à plusieurs reprises cette information pour bombarder les djihadistes, mais en vain. En fait, Obama a fait preuve d’une politique flexible même envers son plus féroce ennemi.
De fait, par l’intermédiaire de leurs milices en Syrie, l’Arabie Saoudite, Qatar et la Turquie ont joué un rôle important en poussant Jabhat al-Nusra, à se désengager oralement d’AQ et réapparaître sous un nouveau nom: Jabhat Fateh al-Sham (JFS).
Dès lors, Djihadistes et rebelles ont livré avec succès la bataille d’Alep ce mois d’août, côte à côte, s’emparant d’entrepôts entiers d’armes et de munitions. Combattant auprès des djihadistes il y avait de nombreux groupes rebelles promus, fiancés et armés par la CIA. Les EU étaient contents de les soutenir tant qu’ils contribuent à épuiser l’Iran et le Hezbollah, les 2 forces considérées comme hostiles ou ennemies des EU au Moyen Orient, l’Arabie Saoudite Israël, même s’ils se battent aux côtés des ennemis des EU. Les alliés de la Russie au sol se plaint du fait que l’armée syrienne abandonnait des positions stratégiques sans opposer de résistance significative. Ceci met la pression sur la Russie pour qu’elle intensifie les frappes aériennes, sans quoi son objectif consistant à apparaitre comme celle qui conduit le processus de paix et l’aide humanitaire pourraient capoter.
Sur un autre front syrien au nord-est du pays, les EU soutiennent les Kurdes syriens, le YPG, et deux autres groupes, la “nouvelle armée syrienne ” (NSA) et la “force démocratique syrienne ” (SDF ou QSD – une alliance de milices Kurde, Arabe, Assyrienne, Arménienne, Turkmène et Circassienne). Avec le soutien de l’armée de l’air US et de conseillers au sol ceux-ci combattent ISIS. Le grand espace que contrôle cette force de nos jours, après la chute de Manbij (65 km de la frontière turque) peut offrir un pied-à-terre américain en Syrie, un pays connu jusqu’en 2011, avant la guerre, pour être le soutien le plus féroce de l’“axe de résistance”.
Le bénéfice pour les EU ne s’arrête pas là: la Russie est convaincue que la fourniture par les EU de leurs plans de vol à la Turquie ont permis à celle-ci d’organiser une embuscade et d’abattre un Sokhoi Su-24 l’an passé. Les EU n’ont pas eu d’autre choix que d’accepter la présence de la Russie en Syrie. Par conséquent, elle fait tout ce qu’elle peut pour entrainer le Kremlin dans une longue guerre à laquelle elle ne peut échapper malgré un gros risque d’humiliation.
En outre, les EU ont réussi à interrompre le succès de la campagne militaire russe contre les djihadistes et les rebelles en proposant des pourparlers de paix après que les troupes de Damas et de ses alliés ont récupéré la vaste région rurale de Lattaquié et au sud d’Alep. L’arrêt des opérations militaires a permis aux djihadistes et aux rebelles de reprendre leur souffle, de se regrouper et d’organiser une contre-attaque qui a réussi. Ceci a contraint la Russie à augmenter sa présence militaire dans le ciel de Syrie, à intensifier ses bombardements pour empêcher les djihadistes de prendre le contrôle de toute la ville d’Alep.
Obama est en train de gagner sans avoir à envoyer d’importantes troupes de Marines US au sol comme l’ont fait les EU en Afghanistan et en Irak, tandis que la Russie est en train de combattre auprès des forces iraniennes et de leurs alliés et aux côtés de l’armée syrienne épuisée par 5 ans de guerre.
Irak :
En Irak, la guerre de 2003 a fait des milliers de morts et de blessés américains. La loi de dé-Baasification signée par l’ambassadeur américain Paul Bremer a démantelé l’armée irakienne, grossissant les rangs des Djihadistes: connue aujourd’hui sous le nom d’ISIS! L’armée américaine s’est retirée en 2011, après que le Premier Ministre al-Maliki ait refusé toute base militaire américaine en Mésopotamie. En 2014, Djihadistes et tribus Sunnites rebelles ont occupé Mossoul. Les EU ont observé l’événement sans bouger jusqu’à ce qu’al-Maliki soit destitué et qu’un nouveau Premier ministre soit nommé: Haidar al-Abadi. Comme ISIS a eu toute la gloire de la conquête de Mossoul et menaçait le reste du pays, le Chiite Marjaiya à Najaf a suscité une mobilisation populaire pour arrêter ISIS. Un nouvel organe militaire fut créé sous le nom de « Unités de Mobilisation Populaire ” (PMU). Le nouveau Premier Ministre voudrait remplacer le Brigadier General Qassem Soleimani à la tête de l’unité al-Quds de la garde révolutionnaire représentant l’Iran: il cherche à lui enlever le pouvoir. Le choix d’Abadi était de se rapprocher des EU, son cheval de Troie, prétextant qu’il avait besoin de leur soutien aérien pour battre ISIS, ce que l’Iran ne pouvait pas fournir. Ceci a ouvert la porte à Obama pour qu’il revienne en Irak, imposer ses conditions à Baghdad et proposer un soutien financier par l’intermédiaire du FMI (Fonds monétaire international). Le prix pour combattre ISIS est élevé.
En outre, Obama n’a pas réagi à la présence de personnel militaire turque à Ba’shiqah, à 50 km du bastion d’ISIS à Mossoul, malgré la requête répétée de Baghdad qu’ils se retirent. La présence turque pouvait aider à mettre la pression sur Baghdad après la chute d’ISIS, au bénéfice des EU, comme superpuissance capable d’imposer à la Turquie de se retirer.
Aujourd’hui, les EU suggèrent au premier ministre irakien Abadi d’intégrer le PMU dans les forces de sécurité officielles. Certaines de ces unités sont en effet plus loyales à l’Iran qu’à l’Irak. Leur intégration forcerait les militants soit à quitter le corps officiel soit à s’intégrer et recevoir les mêmes avantages que les autres forces armées. Ainsi, Abadi réduirait la menace sur son avenir politique que représentent certains chefs du PMU qui ont monté les échelons en combattant ISIS. En même temps, la dissolution du PMU permettrait à Abadi et Obama de réduire considérablement l’influence iranienne (représentée par Qassem Soleimani).
Obama a évité une quasi guerre mondiale en Syrie en ignorant la voix des faucons de son administration et d’une grande partie du courant médiatique dominant. Ceux-ci font manifestement plus confiance à leurs muscles et à leurs capacités militaires qu’à la matière grise et à l’art de la diplomatie. Quand Obama a cessé les bombardements en Syrie en 2015, il a évité une guerre totale au Moyen Orient (l’Iran et ses alliés étaient prêts à riposter contre Israël si Damas était frappé par les EU). Il est pourtant parvenu à désarmer Damas en termes d’armes biologiques et chimiques. Ceux-ci représentaient un réel danger pour Israël. Obama a réussi à mettre le pied en Syrie, à revenir en Irak, observe des dizaines de milliers de djihadistes se réunir en Syrie et en Irak, se battant à mort en impliquant les forces du Hezbollah et d’Iran. Cette position permet également d’observer au quotidien comment la Russie utilise ses forces aériennes dans une guerre bien loin de finir.
Finalement Obama a obligé le ci-devant Emir d’al-Qaida au Levant Abu Mohammed Joulani, connu sous le nom d’al-Fateh (“le conquérant”) à abandonner Khorasan et à rompre les liens avec al-Qaida. Est-ce que cela fait d’Obama “le conquérant du Levant et de la Mésopotamie?” Seule l’Histoire saura le dire.
Traduit par : Prof. Olivier DuLac
Version Anglaise https://ejmagnier.com/2016/08/17/obama-has-the-upper-hand-over-iran-and-russia-in-syria-and-iraq-and-without-major-ground-forces/
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