Daraa capitule, là où le slogan : « Les alaouites au tombeau et les chrétiens à Beyrouth » s’est fait entendre pour la première fois en 2011
Par Elijah J. Magnier (à Quneitra): @ejmalrai
Traduction : Daniel G.
L’armée syrienne et les alliés du Hezbollah et de l’Iran sont fin prêts à nettoyer les dernières poches de militants et de djihadistes qui restent dans la ville de Daraa (sa partie ouest) et dans le gouvernorat de Quneitra, où les militants du groupe armé « État islamique –Welayat Houran » (Daech à Quneitra) maintiennent sous leur coupe 18 km le long de la lige de démarcation de 1974 séparant la Syrie du Golan occupé. La présence des groupes terroristes a été tolérée et même soutenue par Israël durant les dernières années de la guerre syrienne.
La prochaine bataille sera décisive en mettant fin à toutes les poches qui ne relèvent pas de l’autorité du gouvernement de Damas. Malgré ce fait, Israël cherche toujours à intervenir dans le sud syrien, se refusant à accepter le statu quo : les années de guerre sont terminées à sa frontière et la Syrie reprend le contrôle de son territoire. Ce sont d’ailleurs les responsables israéliens qui expirent les derniers souffles de cette guerre syrienne qui tire à sa fin. Tout ce qu’il restera à libérer, ce sera le nord de la Syrie sous occupation américaine et turque.
L’échec du changement de régime souhaité secoue non seulement Israël, mais tout le consistoire d’experts des pays arabes et occidentaux. Daraa al Balad, là où le slogan : « les alaouites au tombeau, les chrétiens à Beyrouth » (Alawi ila al-Tabut wal Masihi ila Beirut) s’est fait entendre pour la première fois en 2011, a capitulé devant l’armée syrienne, qui contrôle 85 % de la province de Daraa. L’armée syrienne progresse aussi dans le territoire contrôlé par Daech et Houran et est en voie de dominer le terrain en hauteur, ce qui lui permettra de pilonner les positions du groupe terroriste. Le bruit des bombardements se fait entendre sur les hauteurs du Golan occupé, sous le nez de l’armée israélienne qui est incapable de changer le cours de la bataille à venir.
Des sources dans la capitale syrienne affirment que la visite à Moscou du premier ministre Benjamin Netanyahu a affaibli la position israélienne, car elle a révélé non seulement que le président Poutine n’a pas l’intention d’obtempérer aux demandes de son invité israélien, mais aussi que le point de référence d’Israël en ce qui concerne la Syrie n’est dorénavant plus son allié traditionnel qu’est Washington, mais bel et bien Moscou.
Netanyahu s’est retrouvé dans la capitale russe en même temps qu’Ali Akbar Velayati, l’envoyé et conseiller du guide suprême iranien, et il reviendra à Tel-Aviv les mains vides. Loin de se présenter comme un dirigeant politique prestigieux qui « cherche à gagner des points en sa faveur », Netanyahu apparaît comme extrêmement faible et impuissant politiquement. Chercher à pallier son échec diplomatique auprès de Moscou en bombardant trois positions abandonnées par l’armée syrienne à Quneitra n’y changera rien. Netanyahu n’a réussi qu’à paraître plus faible encore. Il n’ose pas frapper les Syriens et leurs forces alliées (Hezbollah et Iran) en présence de centaines de membres des unités spéciales occupées à libérer le sud.
Il y a plusieurs jours, Netanyahu a bombardé des positions à l’aéroport militaire T4, en envoyant ses avions loin dans le désert de la Badia en direction de la province de Homs. Les forces américaines qui occupent le nord de la Syrie l’ont de toute évidence aidé, en permettant à Israël d’utiliser leurs aéroports militaires qu’elles ont construits dans la province d’Hassaké.
Cependant, le « Hezbollah » libanais a été le premier à répondre à la frappe d’Israël, en envoyant encore plus de forces spéciales aller combattre Daech dans la province de Quneitra. L’armée syrienne et ses alliés se préparent en vue de cette bataille importante lorsque l’enclave de 18 km occupée par Daech sera entièrement assiégée. Par conséquent, avant d’entreprendre cette dernière bataille dans le sud, l’évacuation de tous les militants du Front al-Nosra (alias Hayat Tahrir al-Cham) et des autres djihadistes et militants est nécessaire.
Une autre réponse est venue de l’Iran, qui a lancé un drone ayant réussi à pénétrer jusqu’à 10 km à l’intérieur d’Israël. C’est un coup porté à la défense israélienne, qui révèle la lenteur de sa réaction et ses faiblesses en matière de renseignement et de défense militaire, même si l’appareil a été abattu plus tard par un missile patriote.
Ce qui ressort, c’est ceci : Israël a poussé l’Iran à violer toutes les « lignes à ne pas franchir » qui existaient (même si elles n’étaient pas annoncées et acceptées par les parties concernées). Au lieu de se dérouler à l’extérieur des frontières d’Israël, le bras de fer militaire entre l’Iran et Israël s’est déplacé dans l’espace aérien israélien. La violation de cet espace aérien par l’Iran et le Hezbollah, inconcevable pour n’importe quel pays ou organisation du Moyen-Orient, est devenue monnaie courante.
Netanyahu supplie le dirigeant russe (c’est sa troisième visite en six mois) d’empêcher la présence de l’Iran et du Hezbollah à la frontière syrienne. Il est évident que sa tentative a échoué, car la présence du Hezbollah et de l’Iran est manifeste dans la bataille en cours au sud de la Syrie. Le premier ministre israélien demandera aussi à Donald Trump d’aborder le même sujet lors du sommet qui réunira les présidents des USA et de la Russie dans les prochains jours. Mais aucune réalisation majeure n’est à prévoir, pour ces raisons bien simples :
1 – La Syrie est déterminée à reprendre le contrôle total de son territoire au sud. En fait, la bataille s’est imposée d’elle-même pendant les négociations russo-israéliennes et le président Assad est résolu à reprendre chaque parcelle de territoire. Il n’a donc pas succombé aux menaces israéliennes.
2 – Israël a réduit la portée de ses demandes lorsque le président Bachar al-Assad a contribué à faire tomber le premier ministre Netanyahu de son piédestal en ordonnant à ses forces de livrer bataille, en imposant son propre tempo et en demandant à ses alliés de participer à la lutte contre les djihadistes.
3 – Damas n’a pas donné satisfaction à toutes les demandes des Russes, malgré leur collaboration militaire conjointe dans l’ensemble du territoire syrien. Cette différence est apparue dans plus d’une bataille ces dernières années, sans nécessairement causer de conflit d’intérêts fondamental entre les deux parties.
4 – Assad partage les buts et les objectifs de ses alliés iraniens. Les deux parties conviennent de leur hostilité commune à l’endroit d’Israël sans pour autant nuire aux bonnes relations entre Russes et Israéliens.
5 – Assad n’abandonnera pas « l’Axe de la résistance », qui a fait ses preuves en remplissant son obligation de prêter main-forte à la Syrie en lui fournissant armes et hommes. « L’Axe » a toujours été, et est encore, voué à la cause du président syrien, même lorsqu’il a presque perdu le pays en 2013. Les tenants de cet axe ont défendu le Levant sans imposer leur foi ou formuler des demandes à Assad en échange de leur intervention. En outre, les membres de « l’Axe » ont laissé Assad décider librement de ce qu’il considérait comme ses priorités et ses objectifs. Ils ne se sont pas immiscés dans sa politique intérieure et, contrairement à la Russie à plusieurs reprises, ils n’ont jamais évoqué la possibilité que le président syrien se retire de ses fonctions (apparemment pour apaiser l’Occident et les Arabes).
Israël devrait frapper encore en bombardant la Syrie, en faisant semblant d’être détendu et à l’aise. En fait, Israël a l’air d’un oiseau blessé par un chasseur : il se tord de douleur à l’idée de quitter la Syrie.
Israël s’est retiré du Liban en 2000 sans condition. Aujourd’hui, il abandonne ses alliés du sud syrien à leur sort sans leur prêter le moindre soutien, comme il l’avait fait à ses alliés de l’Armée du Liban Sud.
Israël a contribué à la montée de la résistance au Liban en 1982, qui a donné naissance au Hezbollah, l’organisation la plus puissante du Moyen-Orient, qui rivalise aujourd’hui avec bien des armées régulières dans la région. Israël a erré en soutenant les djihadistes en Syrie et en participant au plan visant à faire tomber Assad. Il n’a réussi qu’à créer un « Hezbollah syrien ».
La Syrie a abattu plus d’un avion israélien. Des drones survolent au-dessus d’Israël, des roquettes et des missiles ont été lancés contre ses soldats sur les hauteurs du Golan occupé. Aujourd’hui, Israël en est réduit à menacer toute force qui violerait la ligne de démarcation de 1974, ce qui ne s’est jamais produit au cours des 40 dernières années.
Après 2006, Israël vient de subir une nouvelle défaite, cette fois en Syrie. L’attitude très agressive qu’elle a pris en affirmant « se défendre » ne lui réussira plus contre un « Axe » résolu à libérer tous les territoires occupés en Syrie… et au Liban. Il n’est dorénavant plus possible pour Israël d’user de son « droit de se défendre » comme prétexte pour faire comme bon lui semble.
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