L’Arabie saoudite coupe les vivres aux terroristes en Syrie pendant que la Ligue arabe s’apprête à renouer les liens avec Damas : l’heure de reprendre Idlib n’a pas encore sonné

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Par Elijah J. Magnier: @ejmalrai

Traduction : Daniel G.

La date butoir du 15 octobre convenue entre la Turquie, la Russie et l’Iran, date à laquelle les armes lourdes et les groupes djihadistes auraient dû tous se retirer d’une ligne de démarcation démilitarisée de 15 à 20 km autour d’Idlib et de sa région rurale, y compris la région rurale de Lattaquié, est maintenant dépassée. Pourtant, malgré la forte pression des Turcs sur les djihadistes pour qu’ils quittent la Syrie ou sortent de la zone démilitarisée pour sauver Idlib d’une attaque imminente par l’armée syrienne et la Russie, les djihadistes sont restés dans leurs baraquements. Damas et Moscou considèrent malgré tout le moment peu propice à une attaque d’envergure contre la ville. Un délai supplémentaire a ainsi été accordé à la Turquie pour qu’elle poursuive ses efforts. Toute attaque sur Idlib, qui constitue la première ligne de défense des USA en Syrie, a donc été reportée.

Pourquoi Idlib constitue-t-elle « la première ligne de défense des USA en Syrie »? Tout simplement parce que toute la Syrie a été libérée, à l’exception des villes d’Idlib et d’Hassaké au nord (et d’une partie de la province de Deir Ezzor, à l’est de l’Euphrate), toujours occupées.

En septembre, la Russie, l’Iran et la Syrie ont décidé de libérer l’ensemble du territoire syrien, à commencer par Idlib, puis finir le travail à Hassaké, où les forces d’occupation américaines sont basées et n’ont pas l’intention de lever le camp de sitôt. Voilà pourquoi Washington considère Idlib comme sa première ligne de défense et veut frapper la Syrie sous le prétexte du « recours aux armes chimiques » pour prévenir la libération d’Idlib par les forces de Damas. Moscou et Damas connaissent les intentions des USA et ont décidé de stopper tous les préparatifs militaires, de façon à prévenir une attaque des USA contre la Syrie. La date fixée pour une attaque d’envergure sur Idlib a donc été repoussée. La Syrie et ses alliés ont décidé de se mettre en position d’attente, le temps de donner à la Turquie la possibilité de se dresser entre les belligérants. Cette décision a permis d’éviter un affrontement possible entre les deux superpuissances, la Russie et les USA, dont les militaires se seraient retrouvés les uns devant les autres au Levant.

Dans l’intervalle, les alliés de la Syrie ont préparé trois lignes de défense : la première devant Tal el-Eiss, la deuxième à « l’immeuble à appartements 3000 » et la troisième à l’entrée d’Alep. C’est qu’ils possédaient des renseignements dignes de foi selon lesquels Al-Qaeda et d’autres djihadistes avaient rassemblé environ 10 000 hommes en vue de lancer une attaque contre Alep. L’accord entre la Russie et la Turquie a tué dans l’œuf l’attaque imminente. La Turquie a obtenu une extension et une période indéterminée pour prendre le contrôle d’Idlib. La Syrie et ses alliés attendront le moment le plus propice à une attaque de la ville si les USA renoncent à la guerre en Syrie et que les circonstances deviennent plus favorables.

Des sources proches du pouvoir décisionnel en Syrie ont affirmé ceci : « Il ne fait aucun doute que l’ensemble du territoire syrien reviendra sous le contrôle du gouvernement syrien, y compris Idlib et Hassaké. Les passages frontaliers de Qunietra et de Nassib ont rouvert. La frontière entre la Syrie et l’Irak rouvrira bientôt maintenant qu’il y a un nouveau premier ministre en Irak ».

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« Le ministre irakien des Affaires étrangères Ibrahim al-Jaafari s’est rendu en Syrie non seulement en vue de la réouverture du passage frontalier entre les deux pays, mais aussi pour ramener la Syrie dans la Ligue arabe. L’Irak croit que l’Arabie saoudite et ses alliés n’ont plus le goût de poursuivre la guerre en Syrie et qu’ils ont cessé de financer les djihadistes et les rebelles. La Syrie se chargera des deux occupants (la Turquie et les USA) et mettra fin à cette guerre », a indiqué la source.

Le premier pas devrait être franchi officiellement par Amman, qui est prêt à renouer ses relations d’avant 2011 avec Damas, en envoyant ses diplomates en Syrie dans les prochains jours. Selon la source, « la démarche jordanienne a été approuvée par les pays du Golfe et les pays occidentaux, dans l’espoir de détacher la Syrie de l’Iran. »

« Ceux qui ont ouvert leurs frontières et leurs aéroports aux djihadistes de partout dans le monde pour venir combattre en Syrie, tout comme ceux qui ont vidé leurs prisons et envoyé tous leurs détenus établir une plateforme terroriste au Levant en vue de créer un État en déliquescence, ont décidé de changer leur politique et de rétablir des relations diplomatiques avec Damas. Nous n’avons rien contre, mais nous n’oublierons pas, car nous avons payé très cher pour les actes de ces “amis de longue date” qui ont détruit notre pays », a déclaré la source.

« Il est vrai, a poursuivi la source, que le nombre de troupes alliées a été considérablement réduit en Syrie. L’Iran a réduit ses coûts et limité au minimum la présence de ses alliés sur le terrain (Afghans, Irakiens, Pakistanais et autres). Cependant, personne ne peut sommer l’Iran de quitter le Levant en échange d’une aide financière pour reconstruire le pays. Seuls les idiots croient que nous pouvons troquer la relation entre la Syrie et l’Iran pour des dizaines ou des centaines de milliards de dollars, ou encore vendre les hauteurs du Golan à n’importe quel prix. Le lien stratégique syro-iranien est beaucoup plus solide qu’on ne le croit. »

Les leaders du Moyen-Orient et la Ligue arabe se préparent à compter de nouveau parmi eux le président syrien Bachar al-Assad, reconnaissant par le fait même l’échec de leur opération de changement de régime. La Turquie a obtenu un peu plus de temps et la libération d’Idlib a été reportée. Les djihadistes et les rebelles ne sont pas encore convaincus que la guerre est finie et n’ont pas réalisé encore qu’aucun pays ne leur livrera des armes. Ils ne cherchent qu’à gagner du temps et leur sort est scellé. À Hassaké, les militants kurdes finiront par comprendre que les forces américaines ne peuvent rester bien longtemps. La base des USA à al-Tanf sera abandonnée, en grande partie parce que le camp de réfugiés d’al-Rukban, qui dénombre de 80 000 à 90 000 réfugiés approvisionnés par les USA et qui est encerclé par les armées syrienne et irakienne, est devenu un boulet, mais aussi parce que le passage frontalier d’Al Bukamal rouvrira bientôt. Le temps est venu pour les Kurdes de comprendre que leur survie n’est assurée que s’ils se réconcilient avec Damas.

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