L’armée russe a-t-elle échoué en Ukraine et quel sera le prix à payer pour sa victoire?

Par Elijah J. Magnier 

Traduction : Daniel G.

Le narratif dominant et écrasant des analystes occidentaux revient constamment sur « l’échec » des plans militaires russes en Ukraine. Ces analystes écrivent avec une telle assurance qu’on en viendrait à croire qu’ils comptent parmi les aides de camp militaires du président Vladimir Poutine et qu’ils ont assisté personnellement à la supervision des plans militaires de l’attaque dans ses moindres détails. Il est vrai que les médias institutionnels dominent la plateforme d’information avec le soutien des médias sociaux, qui ont modifié leurs règles pour excuser les propos violents appelant au meurtre de soldats russes et des présidents Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko de Biélorussie. Mais la voix tonitruante des médias grand public est-elle porteuse de vérité? La guerre s’éternise-t-elle pour la Russie? La Russie a-t-elle perdu l’avantage?

Ce n’est pas la première fois que le président Poutine affronte les puissants pays occidentaux (menés par les USA) sur le champ de bataille. Une guerre indirecte entre Russes et Américains a déjà eu lieu en Syrie, où les médias n’ont pas manqué de se moquer des forces russes à leur arrivée au Levant. Plusieurs journalistes ont déclaré alors que « des éléments de la marine russe ont perdu du matériel en mer pendant qu’ils naviguaient vers le port syrien de Tartous et de Lattaquié » et que les « vieux avions SU russes ne parviendront pas à décoller ».

Quelques mois plus tard, la Russie a renversé le cours de la guerre à l’avantage du gouvernement central à Damas, au grand dam à la fois des médias grand public et des dirigeants occidentaux. Ils avaient investi énormément dans la promotion et la création d’un État failli en Syrie. Les programmes d’entraînement des USA et de l’OTAN en Jordanie et en Turquie et les cellules de crise des Occidentaux étaient tous engagés dans la planification et la conduite de la « guerre » contre la Russie. Les pays occidentaux ont envoyé des tonnes d’armes aux djihadistes en Syrie, mais n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs. Le conflit d’aujourd’hui en Ukraine présente des similitudes avec la guerre d’hier en Syrie.

Moscou a déclaré la guerre à l’Ukraine le 24 février, la qualifiant d’« opération spéciale » à des fins juridiques. Le premier jour, l’armée russe a détruit 90 % des capacités militaires ukrainiennes. Le lendemain, elle a atteint la périphérie de la capitale, Kiev, à l’aéroport Antonov. 

Cela ne s’est pas produit en Irak en 2003. Les USA, la Grande-Bretagne et les alliés occidentaux « tout-puissants » ont eu besoin de trois semaines pour atteindre la capitale Bagdad. Contrairement à l’Ukraine, aucun pays ne soutenait le président irakien Saddam Hussein et les Irakiens ne demandaient pas mieux que de le voir partir. Les sanctions avaient affaibli Saddam pendant plus d’une décennie. Aucun pays du Moyen-Orient ne le soutenait. C’est donc avec joie que de nombreux Irakiens ont salué les occupants dans les premiers mois.

En Ukraine, la donne est différente. Les médias occidentaux ont « oublié » comment la capitale Bagdad a été bombardée par des dizaines de missiles Tomahawk, à l’instar de toutes les villes irakiennes avant l’arrivée des armées américaines et alliées. La capitale Kaboul, en Afghanistan, a également été lourdement bombardée avant que l’armée américaine n’y entre. Au cours des deux premières semaines de la guerre russe, Kiev a été touchée par un seul missile de précision qui a détruit la tour de sa chaîne de télévision. Au cours de la troisième semaine, la capitale a subi l’attaque de plusieurs missiles, mais le nombre reste minime. 

À l’exception des médias occidentaux tout-puissants et influents, personne n’a dit que le plan de Moscou était de pénétrer dans la capitale Kiev en un ou deux jours, voire une ou deux semaines. Même après 21 jours de guerre, ce n’est pas le plan des Russes. Il convient de noter que l’Ukraine est le pays le plus puissant de l’ancienne Union soviétique après la Russie. Sa superficie est plus grande que la Syrie et l’Irak réunis, ou que la France, la Belgique et les Pays-Bas. Ajoutons à cela qu’en 2015, le président Barack Obama a ordonné aux forces US et à l’OTAN de commencer à entraîner les troupes ukrainiennes qui ont participé à de multiples manœuvres militaires. À toutes fins utiles, l’armée ukrainienne a été équipée et entraînée par l’OTAN pour affronter la Russie. 

L’Ukraine comptait 120 000 soldats en 2014 et consacrait 1,9 milliard de dollars à son budget de la défense, soit l’équivalent de 1,57 % du PIB. Les plans financiers et militaires des USA ont fait monter en flèche ces chiffres, afin de préparer et de soutenir l’armée ukrainienne à une guerre par procuration des USA contre la Russie. En 2022, les forces armées ukrainiennes comptent 363 000 membres et le président Volodymyr Zelensky a signé un décret pour en ajouter 100 000 autres. Les USA ont financé très généreusement l’armée ukrainienne, en investissant plus de 2,6 milliards de dollars entre 2015 et 2021, dont un milliard de dollars en fourniture d’armes pendant la guerre et d’autres milliards s’ajouteront. Les USA se sont cependant gardés de soutenir l’économie ukrainienne pendant toutes ces années. Résultat : elle s’est effondrée et plusieurs banques ukrainiennes ont fait faillite.

L’OTAN était présente en Ukraine et préparait le pays à rejoindre ses rangs. La Russie s’opposait à l’entraînement de l’armée ukrainienne par l’OTAN et c’était dans les plans des USA de défier Moscou. Les USA se préparaient donc à cette guerre. Le président Poutine était placé devant deux mauvais choix : 1) se limiter à des protestations vocales et se retrouver avec un pays nucléaire à sa frontière où se trouvent aussi des laboratoires de recherche militaire biologique parrainés par les USA; 2) se lancer dans une guerre contre l’Ukraine, avec toutes les conséquences et le prix élevé à payer que cela entraîne.

Les USA connaissent exactement le style de combat et les tactiques de l’armée russe classique. C’est pourquoi eux et leurs alliés ont expédié des tonnes d’armes à l’Ukraine avant la guerre pour qu’elles puissent s’engager dans la bataille à venir. La CIA a préparé Kiev à faire la guerre aux Russes. Voilà pourquoi le choix du président Poutine était si difficile, car il savait à quoi s’attendre.Cependant, deux choses ont changé l’équation. Premièrement,

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