Les erreurs d’al-Sadr et d’al-Maliki : Qu’attendent-ils donc de l’Irak?

Par Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

Il n’y a pas de guerre civile en Irak ni de lutte intra-chiite en ce moment, malgré la parade des armes et l’occupation, par les manifestants sadristes, du Parlement et de la « zone verte » ultra protégée de la capitale Bagdad. Mais cela ne signifie pas qu’un affrontement avec les manifestants dans les rues soit exclu à un moment ou l’autre, car le « mouvement sadriste » appelle les manifestants à rester dans la rue et à continuer d’occuper le Parlement. Toutefois, le « cadre de coordination » chiite (les autres groupes chiites opposés aux sadristes) ne restera pas inactif, tout dépend de l’évolution de la situation et de ce que recherche le groupe sadriste. Sayyed Moqtada al-Sadr dit qu’il veut diriger le pays, sinon personne d’autre ne le pourra. Il marche au bord du gouffre, en souhaitant probablement involontairement de nouvelles élections parlementaires. À cela s’ajoute l’insistance de l’ancien premier ministre et vice-président Nouri al-Maliki à procéder à l’élection d’un nouveau gouvernement, profitant de l’erreur d’al-Sadr de se retirer du Parlement. Où en sont les choses en Irak, et que veulent les deux camps? Les chiites seront-ils responsables du chaos dans le pays?

Le mouvement sadriste a remporté les élections législatives avec le plus grand nombre de représentants obtenus par un seul parti (73 sièges). Mais il s’est buté à l’interprétation constitutionnelle de la Cour fédérale, selon laquelle tout parti politique a le droit d’élargir le nombre de ses alliés – même après l’élection du président de la République – et de prétendre être le parti en mesure d’élire le premier ministre, à condition qu’il parvienne à rassembler le plus grand nombre de députés sous une même coalition.

Nonobstant l’interprétation de la Constitution par la Cour fédérale, Sayyed Moqtada al-Sadr a formé une alliance avec les Kurdes et les sunnites qui est devenue la plus grande coalition lui donnant le droit de choisir les dirigeants du pays. Cependant, la Cour fédérale a proposé une nouvelle interprétation qui donne à tout groupe parlementaire possédant le tiers des votes un droit de blocage pour empêcher l’élection du premier ministre et du président de la République pour absence de quorum.

Sayyed Moqtada s’est donc retrouvé dans l’impossibilité de former le gouvernement avec ses alliés sunnites et kurdes et il n’était plus possible pour lui de se passer des autres partis chiites. Il a donc annoncé la pire décision qu’il n’ait jamais prise en demandant à tous ses députés de démissionner et a cédé tous ses sièges à d’autres partis chiites. La crainte du « cadre de coordination » a alors fait place à l’enthousiasme et il a saisi cette occasion de rassembler la plupart des 73 sièges et de devenir le groupe ayant le pouvoir d’élire le président et le premier ministre.

Il semble que Sayyed Moqtada était à l’affût. Il est possible qu’il ait fait un mauvais calcul et regretté sa décision de se retirer du Parlement, ce qui l’amène à prendre la rue pour empêcher le « cadre de coordination » de choisir les nouveaux dirigeants. Il se peut aussi qu’il s’y attendait et voulait de nouvelles élections parlementaires en croyant que les manifestations lui permettront d’atteindre cet objectif. Sauf qu’al-Sadr se trompe dans sa volonté de déclencher de nouvelles élections parlementaires. Il pourrait certes remporter 10 à 20 sièges supplémentaires, mais il ne deviendra jamais le seul décideur capable de se passer de tout autre parti politique pour choisir les dirigeants de l’Irak.

Al-Sadr ne cherche pas à lutter contre la corruption, dont ses opposants l’entachent aussi en raison de sa participation à tous les gouvernements précédents. De plus, Sayyed Moqtada s’est allié lors des dernières élections avec Massoud Barzani, qui est accusé de corruption et de vendre du pétrole irakien à la Turquie et à Israël sans avoir de comptes à rendre. L’objectif de Sayyed Moqtada est donc de diriger l’Irak en tant que seul leader chiite et il n’hésitera pas à recourir à la violence pour y parvenir, comme il l’a déjà fait en 2004 dans la ville sainte de Nadjaf.

Pour sa part, l’ancien premier ministre Nouri al-Malikial recherche lui aussi le pouvoir pour lui-même. Personne au sein du « cadre de coordination » ne souhaite qu’Al-Maliki redevienne premier ministre, car les dernières années de son règne ont prouvé son désir de monopoliser le pouvoir. La Marjaya de Nadjaf a d’ailleurs refusé son retour au pouvoir en lançant le slogan « l’Irak ne doit pas ramener au pouvoir ceux qui sont déjà corrompus ». En 2015, le grand ayatollah Sayyed Ali Sistani a écrit une lettre à tous les partis politiques chiites leur demandant de confirmer leur rejet du retour d’al-Maliki au poste de premier ministre.Mais al-Maliki considère qu’à 72 ans, c’est sa dernière chance de reprendre le pouvoir. Il ne 

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