
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
Les spéculations relatives à la reprise de l’accord sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran ont refait surface. Toutefois, cette question fait l’objet de discussions depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord en 2018 sans que des progrès significatifs aient été réalisés. Le succès de l’accord dépend principalement des États-Unis, qui doivent fournir les garanties nécessaires à la levée de toutes les sanctions, au déblocage des fonds iraniens gelés et à la vérification par l’Iran de la mise en œuvre de tout accord, l’Iran ne voulant pas se laisser tromper une nouvelle fois. Les États-Unis affirment qu’ils ne permettront pas à l’Iran de mettre au point des armes nucléaires, alors que la République islamique n’a aucune intention de le faire, bien qu’elle ait les moyens de le faire. Disposant d’eau lourde, de dizaines de milliers de dispositifs d’enrichissement de pointe et d’uranium enrichi à 60 % (une pureté de 90 % est nécessaire pour fabriquer une bombe), l’Iran peut produire plusieurs bombes nucléaires simultanément si tel est son objectif, puisqu’il dispose de tous les éléments et de l’expertise scientifique nécessaires. Qu’est-ce qui a donc ravivé l’enthousiasme de l’administration américaine?
Le récent rapprochement arabo-iranien et la reprise des relations diplomatiques saoudo-iraniennes s’inscrivent dans une dynamique mondiale, marquée notamment par la rivalité entre les géants américain et russe qui se disputent à propos du démantèlement de l’unilatéralisme occidental qui domine le monde. En outre, l’annonce faite par l’Iran qu’il possède des missiles hypersoniques capables d’atteindre des vitesses allant jusqu’à Mach 15 (la vitesse du son) ne peut être dissociée des spéculations américaines sur un éventuel retour au défunt accord sur le nucléaire, que le président Donald Trump avait précédemment mis au rebut. Aucun président américain ne peut justifier la restitution des fonds gelés de l’Iran ou permettre aux pays occidentaux de renouer des relations commerciales avec l’Iran. Comme l’a déclaré le président Joe Biden, la guerre par procuration menée par Washington en Ukraine vise principalement à rétablir le contrôle sur le continent européen et à saper la coopération commerciale et technologique entre la Russie, l’Europe et la Chine.
Il est également essentiel de prendre en compte l’attitude des pays riches en pétrole et des pays émergents du Moyen-Orient, qui ont décidé de maintenir la stabilité des prix du pétrole en réduisant leur production, au grand dam de l’administration américaine. Ces pays, à commencer par l’Arabie saoudite et les Émirats, ont également choisi de se rapprocher de la Russie et de la Chine sans pour autant se couper complètement des États-Unis.
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Parallèlement, l’administration américaine renoue prudemment avec le Moyen-Orient afin de corriger les politiques et les décisions prises par le président Joe Biden depuis son entrée en fonction, dont l’approche initiale consistait à éloigner les États-Unis de l’Arabie saoudite, qu’il considérait comme un royaume « paria ». Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a rendu visite au prince saoudien Mohammed Ben Salmane pour solliciter des appuis auprès des dirigeants arabes, mais il s’est heurté à des positions fermes et résolues en faveur de la non-exclusion, de l’adhésion à la cause syrienne et palestinienne, du renforcement des prises de décision arabe, de la recherche d’un rapprochement avec l’Iran et d’une distanciation par rapport à la normalisation avec Israël, qui a perdu son utilité.
Il est essentiel de reconnaître la résilience de la Russie dans le conflit ukrainien qui, seule face à cinquante pays qui ont mis en commun toutes leurs capacités économiques et militaires (sans déployer de brigades), a maintenu son économie intacte alors que les économies occidentales souffrent. Cette résilience a marqué le début du déclin de l’hégémonie des USA sans qu’aucun autre pays ne reprenne le bâton. Bien au contraire, les pays cherchent à s’organiser en donnant la priorité au commerce, à l’industrie, au développement des infrastructures et à l’échange de monnaies locales, ce qui leur permet de réduire leur dépendance à l’égard des politiques de guerre et de renversement de régimes menées par les États-Unis.
Ces facteurs ont contraint les USA à reconsidérer leurs relations avec l’Iran, qui cherche à récupérer ses fonds gelés, estimés à un peu moins de 180 milliards de dollars, et à obtenir la levée des sanctions pour retrouver une position de force sur les marchés mondiaux. Après plusieurs réunions indirectes avec des responsables iraniens à Oman, les objectifs américains pourraient se limiter à la libération de prisonniers américains en échange de la facilitation du déblocage d’une partie des fonds iraniens gelés.
L’intérêt de l’Iran à s’engager avec les États-Unis porte essentiellement sur les échanges et le commerce, ni plus ni moins. L’Iran veut un retour à l’accord sur le nucléaire initial, et non une alternative temporaire ou un mini-accord. Dans le cadre de pourparlers négociés par Oman et le Qatar, l’Iran a accepté de reprendre la production d’uranium enrichi à 3,67 % et à suspendre la production d’uranium enrichi à 60 %, sauf pour répondre à des besoins précis dans les domaines de la recherche médicale en radiologie, de l’énergie, de la radiopharmacie, de la recherche scientifique, de l’agriculture et de diverses industries nucléaires.
Par ailleurs, l’Iran a accumulé une quantité importante d’eau lourde, soit plus de 20 000 tonnes (l’accord sur le nucléaire ne permet à l’Iran d’en conserver que 130 tonnes), et les États-Unis ont manifesté leur intérêt pour l’acheter, comme l’a confirmé Behrouz Kamalvandi, le porte-parole officiel de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique.
En outre, la découverte récente de gisements de lithium en Iran, estimés à 8,5 millions de tonnes dans la province de Hamadān, à l’ouest de Téhéran, fait de l’Iran le pays possédant la deuxième plus grande réserve mondiale après le Chili (qui en possède 9,2 millions de tonnes). Cette découverte soulève l’intérêt des principaux pays industrialisés à l’égard de l’Iran, atténuant ainsi l’impact à long terme des sanctions occidentales. Le lithium, souvent appelé « or blanc », est extrêmement important pour la production de piles, de véhicules électriques (très recherchés en Europe), de drones, d’ordinateurs, de téléphones portables et de panneaux solaires, pour le stockage de l’énergie et pour l’industrie de la défense. Par conséquent, les importantes réserves de lithium de l’Iran deviennent vitales pour des acteurs clés comme les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Europe.
Quant aux discussions sur un éventuel retour des États-Unis à l’accord sur le nucléaire, elles ne datent pas d’hier. Les États-Unis réitèrent leur volonté d’empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires. Toutefois, l’Iran est préoccupé par son économie en difficulté et par la nécessité d’élargir son accès aux marchés mondiaux, même si cela implique de nouer des liens solides au-delà de l’hémisphère occidental (Asie, Afrique et Amérique latine). L’Iran dépend de ses exportations vers les pays du Sud, qui ont augmenté l’année dernière. En outre, la production pétrolière de l’Iran a atteint 3 millions de barils par jour, dont la moitié est exportée. Certains signes indiquent que l’économie iranienne souffre moins des sanctions que ne le souhaiteraient les États-Unis.
C’est un défi pour les États-Unis et Israël d’accepter le retour de l’Iran sur la scène internationale, où il peut retrouver sa position économique, réintégrer les marchés de l’énergie et attirer les investisseurs européens qui ont quitté précipitamment le pays à cause des sanctions américaines. L’Iran a réussi à établir une équation de dissuasion tout en subissant des sanctions paralysantes. Il a établi des sphères d’influence et des alliances qui se sont solidifiées et qui défient les politiques américaines tout en menaçant Israël. Les adversaires de l’Iran craignent son influence croissante, qui ne fera que s’accroître à mesure que l’Iran se rétablira complètement, que ses avoirs gelés seront libérés et qu’il réintégrera le marché international. Par conséquent, du point de vue de Washington et de Tel-Aviv, un retour à l’accord sur le nucléaire et le respect de ses conditions semblent peu plausibles.
Par conséquent, si les États-Unis continuent de se soustraire à un engagement sérieux, comme ils le font depuis 2018, et de ne pas respecter un accord signé par de grandes puissances (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie et Chine), ce ne sera pas à leur avantage. Le déclin de l’empire américain et les ressources naturelles de l’Iran, notamment les métaux précieux, l’énergie et les produits exportables, éloigneront davantage l’Iran de l’Occident. Cette érosion de l’influence occidentale finira par saper l’efficacité à long terme des sanctions. Il est donc dans l’intérêt des USA de revenir à la table des négociations tant qu’ils se trouvent encore en position d’influence, aussi réduite soit-elle. Sinon, la fenêtre d’opportunité du côté iranien se refermera rapidement ou deviendra insignifiante.
One thought on “Les chances de revenir à l’accord sur le nucléaire iranien s’amenuisent pour les USA.”
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