
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
Les États-Unis et leurs alliés occidentaux sont prêts à s’engager dans une escalade significative de leur conflit avec la Russie. C’est ce qui ressort de la décision cruciale autorisant les pays d’Europe occidentale qui possèdent des avions de combat F-16 à les fournir à l’Ukraine. Bien qu’elle semble aller à l’encontre des propos du président Joe Biden, qui avait déclaré que de telles livraisons pourraient déclencher une « troisième guerre mondiale », cette décision souligne la détermination de l’Occident à faire monter la tension avec Moscou. Cette recrudescence de la confrontation intervient en raison de l’incapacité des précédentes contre-attaques à atteindre les résultats escomptés. Alors que le monde observe la situation, une question se pose : Comment l’intensification des attaques de l’Ukraine contre Moscou et d’autres provinces russes, conjuguée à l’afflux de nouvelles armes meurtrières, façonnera-t-elle la trajectoire de la lutte en cours entre l’Occident et la Russie?
Un haut diplomate de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) posté à son siège de Bruxelles a confirmé « la formation des pilotes ukrainiens donnée par 12 pays membres de l’OTAN a démarré. Cette formation comprend l’utilisation d’avions de chasse américains, français et britanniques pour assister les pilotes ukrainiens. Elle s’inscrit dans le cadre d’un effort concerté visant à renforcer l’état de préparation de l’Ukraine face à la Russie et à améliorer les capacités aériennes des pays qui envoient leurs avions pour soutenir Kiev. Cette manœuvre stratégique inclut l’accord conclu par les États-Unis avec le Danemark et les Pays-Bas pour fournir à Kiev les premiers avions à réaction F-16 de fabrication américaine. L’objectif est de tester la réaction de la Russie avant que d’autres pays n’emboîtent le pas. Une centaine d’avions de combat ou plus devraient être livrés. »
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La récente offensive russe a donné lieu à l’évacuation des missions diplomatiques de Kiev, qui s’attendaient à ce que la Russie largue des « tapis de bombes » dévastateurs. Mais le président russe Vladimir Poutine, qui était convaincu que l’Ukraine n’était pas un pays hostile, a opté contre toute attente pour des négociations plutôt que pour une agression militaire débridée. Malgré les différents objectifs de l’Occident, cette approche a constitué un moment décisif. C’est une position qui tranchait avec les préparatifs des États-Unis depuis 2008, lorsque le président George W. Bush a préconisé l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN. Il a alors déclaré que l’Ukraine et la Géorgie étaient « les seuls pays non membres de l’OTAN à participer à toutes les opérations militaires de l’OTAN », préparant ainsi le terrain pour un affrontement géopolitique avec la Russie.
En fait, c’est le président Bill Clinton qui a préparé le terrain de la guerre contre la Russie en rompant l’engagement verbal des États-Unis de limiter l’OTAN à 12 pays membres et en élargissant l’adhésion aux anciens pays du « bloc de l’Est ».
Le président Biden a poursuivi dans cette voie, en s’appuyant sur les fondations qu’il avait posées à titre de vice-président de Barack Obama. Cette volonté constante d’élargir l’OTAN et de contester les frontières de la Russie révèle une approche planifiée de longue date. Les préparatifs en vue d’un affrontement sont évidents depuis le mandat du président Bill Clinton, avec l’expansion de l’OTAN sans égard aux promesses faites à Moscou que l’alliance se limiterait à 12 membres. Les prouesses de l’armée russe sur le champ de bataille ont incité les États-Unis à réunir les chefs d’état-major de plus de 50 pays sur la base aérienne de Ramstein, en Allemagne. Cette réunion avait pour but d’élaborer des plans visant à fournir progressivement à Kiev un soutien militaire, logistique et en matière de renseignement.
Le commandement militaire occidental a l’intention d’équiper l’Ukraine en armements divers, y compris des missiles de précision, des bombes à fragmentation et des véhicules blindés. Cette stratégie vise à garantir que le volume, la qualité et la nature du soutien occidental à l’Ukraine ne poussent pas le Kremlin à riposter de manière disproportionnée ou à utiliser des armes nucléaires.
Cela permet au commandement militaire conjoint occidental de développer les capacités de l’Ukraine et de la soutenir par divers moyens comprenant des missiles de précision et à fission, des usines fabrication de drones et divers chars, après s’être assuré que la Russie acceptait ce soutien occidental sans répondre par une force excessive. Jusqu’à présent, le soutien américano-européen n’a pas permis de vaincre les forces russes et leurs alliés, qui ont occupé plus de 100 000 km² de territoires ukrainiens. En outre, la contre-offensive ukrainienne en cours n’a pas pu atteindre ses objectifs, ce qui a gravement nui à l’ensemble de l’intervention et du soutien de l’Occident.
Les USA poursuivent une politique de soutien militaire indirect, en exhortant les pays européens à faire les premiers pas et à se dépêcher de fournir une aide militaire à l’Ukraine afin que la responsabilité soit répartie et distribuée entre tous, rendant impossible la confrontation de la Russie avec tous ces pays.
Les États-Unis poursuivent une politique de soutien militaire direct et indirect, en amenant les pays européens à fournir une aide initiale. Cette fragmentation des responsabilités empêche une réponse russe ciblée et unifiée à l’effort collectif occidental. De son côté, l’Ukraine mène des opérations stratégiques visant le pont de Crimée et des opérations secrètes à l’intérieur de la Russie. Les drones ukrainiens ont réussi à attaquer plusieurs provinces russes et ont forcé Moscou à fermer plusieurs aéroports à maintes reprises. Ces actions servent de message, en démontrant la capacité de l’Ukraine à porter le conflit à l’intérieur de la Russie.
À ce jour, on peut affirmer que toutes ces frappes ukrainiennes ne sont pas stratégiques, ne changeront pas le cours de la bataille et ne dissuaderont pas la Russie, d’autant plus que la réplique du Kremlin est violente, comme le démontre l’abondance de ses tirs de missiles de précision et la dévastation qu’ils causent en Ukraine.
La Russie répond à ces messages de l’Occident et de l’Ukraine en améliorant ses capacités électroniques pour contrer les drones, en renforçant ses capacités offensives et défensives et en comblant ses lacunes en matière d’armement révélées dans sa confrontation avec l’OTAN. Les États-Unis continuent de violer leurs « lignes rouges » et l’approbation récente d’exporter des F-16 vers l’Ukraine démontre que les USA ont l’intention de faire en sorte que le conflit cause un plus grand nombre de pertes russes sur le champ de bataille.
Il semble que l’Ukraine recevra des avions non pas au milieu de l’année prochaine, après la fin de la formation comme cela a été officiellement annoncé, mais plus tôt. L’entraînement bat son plein et Biden n’attendra probablement pas la fin de son mandat pour observer la bataille et ce que feront ses F-16 à leur premier affrontement contre les Su-35 russes.
La livraison de ces appareils, dont des Typhoon britanniques et des jets français, pourrait faire pencher la balance en faveur de l’Ukraine dans plusieurs théâtres des combats. L’apport de près de 100 avions occidentaux pourrait améliorer la capacité de l’Ukraine à soutenir les offensives terrestres et à cibler stratégiquement les positions russes qui battent en retraite. Toutefois, face à l’arsenal russe comptant 950 chasseurs à réaction, la bataille aérienne attendue pourrait être symbolique sans modifier de manière significative le cours du conflit. Cependant, l’utilisation de F-16 contre des SU-35 permettra à de nombreux pays de moderniser leurs flottes aériennes avec des appareils plus performants. Elle permettra également de prolonger la guerre jusqu’à ce qu’un nouveau président américain prenne ses fonctions à la fin de l’année prochaine, en espérant que la situation ne dégénère pas.
En fin de compte, cette trajectoire en escalade se fait sur une corde raide et vacille vers un élargissement du conflit. Les livraisons de F-16 prolongeront peut-être la durée de la guerre, mais elles ne rendront pas pour autant la Crimée ou les régions du Donbass à l’Ukraine. Ces actions s’inscrivent plutôt dans le cadre des efforts déployés par les États-Unis pour entraîner la Russie dans un conflit prolongé susceptible d’affecter son économie ou de provoquer des bouleversements internes.
L’ancien président russe et adjoint de Poutine au commandement de la sécurité nationale, Dmitri Medvedev, a déclaré ceci : « L’Ukraine sera détruite et il n’en restera que des cendres, même si cela doit prendre des années, voire des décennies. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas le choix : il faut détruire son système politique hostile, sans quoi l’Occident déchirera la Russie. »
C’est précisément ce que souhaite l’administration américaine : exaspérer la Russie et la plonger dans une guerre prolongée qui portera gravement atteinte à son économie. Dans le meilleur des cas, le système politique russe sera gravement endommagé et mûr pour se retourner contre ses dirigeants. Les États-Unis veulent plonger la Russie dans une guerre qui perdure susceptible de déstabiliser son système politique et encourager les dissensions internes, offrant ainsi un terrain fertile à des « révolutions de couleur » ou à un « printemps russe ». Les événements qui se déroulent en Ukraine, qui sont animés par des actions stratégiques et l’utilisation d’armes, soulignent l’équilibre précaire dans lequel se trouvent les puissances mondiales dans un contexte géopolitique périlleux.
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