La Syrie ne craint pas une guerre contre Israël : les règles d’engagement ont changé

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Par Elijah J. Magnier (à Damas) : @ejmalrai

Traduction : Daniel G .

Les unités de défense aérienne de Damas ont abattu leur premier avion israélien (F-16), une frappe qui a pour effet de changer les règles d’engagement avec Israël et d’envoyer un message clair : la Syrie est prête à la guerre et ne tolérera plus de violations de son espace aérien. Ce clash a entraîné la mobilisation de l’armée syrienne et de ses alliés en Syrie et du Hezbollah au Liban. La vitesse de réaction syrienne s’explique par une décision antérieure prise au plus haut niveau parmi les alliés actifs sur le territoire syrien. Ceux-ci jugent qu’une confrontation pourrait être inévitable si Israël décide de rétorquer et de déclarer la guerre. La violation de la souveraineté syrienne n’est plus une option possible pour Israël, dont les avions à réaction ne pourront plus faire leurs promenades habituelles au-dessus du Levant sans subir de conséquences.

De plus, malgré tout ce que les médias en disent, la Russie est au courant de la décision syrienne de s’en prendre à Israël. Moscou fournit à la Syrie des missiles antiaériens, ses forces dominent l’espace aérien au-dessus du territoire sous le contrôle de l’armée syrienne, et sa capacité radar peut voir et surveiller tout avion israélien survolant Israël, le Liban et la Syrie. La Russie est également informée chaque fois que l’armée syrienne lance des missiles et affronte l’armée de l’air israélienne au-dessus de la Syrie ou des zones frontalières.

Ce n’est pas dans l’intérêt de la Russie qu’une guerre éclate en Syrie au moment où ses forces sont présentes sur le terrain et en Méditerranée. La Russie juge qu’elle a le droit d’intervenir parce que sa présence officielle en territoire syrien répond à une demande du gouvernement de Damas dans le cadre d’un accord. En tant que superpuissance, c’est dans son intérêt de mettre fin à la tension à la frontière syrienne et de démontrer qu’elle a le pouvoir requis pour imposer la paix aux belligérants éventuels.

C’est également dans l’intérêt de Moscou d’amener la Syrie à réagir aux violations d’Israël, même au prix d’abattre un avion israélien, surtout en ce moment où la Russie accuse Washington d’avoir fourni aux militants du groupe Faylaq al-Sham (allié d’al-Qaeda à Idlib et ses environs au nord de la Syrie) les missiles antiaériens qui ont abattu l’avion russe au-dessus d’Idlib et du meurtre de son pilote qui a refusé de se livrer aux militants et djihadistes.

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Tout cela s’est passé après la libération de l’ensemble du secteur qui était encore aux mains du groupe armé « État islamique » (Daech) dans la région rurale des provinces d’Alep, de Homs et d’Idlib, soit plus de 1 200 km2 repris par le gouvernement. Plus de 15 000 officiers et soldats de l’armée syrienne et d’unités spéciales qui y étaient déployés ont ainsi été libérés et vont être transférés sur un autre front, celui contre Israël s’il le faut, al-Qaeda représentant dorénavant la seule menace qui subsiste pour l’État syrien.

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Cela démontre que le gouvernement de Damas, qui est en état de guerre depuis plus de six ans, est prêt à livrer bataille à Israël dès maintenant. La deuxième guerre libanaise en 2006 a révélé que la puissance aérienne n’assure pas la priorité et qu’elle n’a pas achevé l’ennemi, le Hezbollah, dont les militants ont continué de lancer des missiles et des roquettes sans relâche tout au long des 33 jours de guerre. Les milliers de missiles livrés à la Syrie par la Russie et l’Iran ces dernières années représentent une menace majeure pour Israël en cas de guerre, car ils ont pour effet d’annihiler leur supériorité dans les airs.

Le leader du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah a également dit que le nouveau front va s’étendre de Naqoura (sud du Liban) aux hauteurs du Golan occupées (sud de la Syrie) et que des dizaines de milliers de forces alliées des pays avoisinants et de plus loin encore vont se lancer dans la prochaine guerre. Ce qui signifie que le Hezbollah, qui a mis toutes ses forces au Liban et en Syrie en état d’alerte maximale en vue d’une réaction israélienne, est prêt à entrer en guerre dès que Tel-Aviv intensifiera le conflit.

Il est possible que Tel-Aviv ne veuille pas la guerre. La confusion y règne et on ne sait pas où la guerre pourrait mener à un moment où le front interne n’est pas préparé et où l’armée israélienne ne s’engagera pas dans une bataille aux résultats incertains, dont l’objectif (désarmer le Hezbollah et détruire la capacité militaire syrienne) est inatteignable.

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La confusion israélienne est manifeste. Premièrement, Israël accuse l’Iran d’être derrière l’escalade. Ensuite, le commandement militaire affirme qu’un « drone iranien étant entré dans l’espace aérien israélien a été abattu », mais en montrant des séquences d’un drone tombant en Syrie plutôt qu’en Israël. L’Iran a nié l’allégation israélienne. Ce n’est que quelques heures plus tard que le commandement israélien a reconnu l’écrasement du F-16 pour des « raisons techniques », suivi d’une dernière version rapportée correctement, à savoir que le F-16 a été « abattu pendant qu’il volait au-dessus d’al-Sukhna », proche de Tadmur.

Un commandant des forces alliées en Syrie m’a révélé que ces forces dirigées par le commandement de l’armée syrienne ont convenu de tendre un guet-apens à l’armée de l’air israélienne, en mettant la défense antiaérienne syrienne en étant d’alerte maximale, prête à tirer. Un drone a été par la suite envoyé à la frontière syro-israélienne, d’où il a violé l’espace aérien israélien afin d’entraîner une réaction israélienne. Comme prévu, Israël a envoyé des F-16 abattre le drone dans la zone frontalière. Selon la source, il est impossible qu’un F-16 ait été abattu au-dessus d’al-Sukhna (la version israélienne que la source considère comme fausse). L’avion a été en fait abattu près de Kiryat Ata, à l’est d’Haïfa, à plus de 150 km d’al-Sukhna. Cela démolit la thèse israélienne, qui ne vise qu’à camoufler le fait que l’avion israélien a été frappé dans l’espace aérien israélien, ce qui met directement en question l’autorité d’Israël tout en livrant un message clair : « nous pouvons abattre vos avions dans votre propre espace aérien si vous violez le nôtre », a précisé la source.

« Si un missile SAM-5 avait frappé le F-16, il aurait explosé dans les airs et aucune trace n’aurait subsisté. L’avion a été touché par un missile plus petit, mais plus moderne et précis, capable de manœuvrer comme le F-16 », a confirmé la source, en refusant d’en dire plus.

Selon la source, « Israël est engagé dans une véritable bataille pour faire valoir sa propre version, afin de mieux cacher son incompétence dans la situation. Israël a cessé d’être une force dominante au Moyen-Orient, et est dirigé par des leaders arrogants qui continuent à attiser la guerre, parce qu’ils sont incapables de vivre en paix parmi leurs voisins ».

« Le Hezbollah est non seulement prêt en cas de guerre contre Israël, mais il a amené toutes les factions palestiniennes et irakiennes à s’unifier contre Israël en cas de nouvelle guerre, mais seulement si Israël décide de choisir la guerre. Tel-Aviv peut prendre l’initiative de la guerre, mais il n’a pas le pouvoir de l’arrêter ni de la contrôler. » D’après la source, le Hezbollah est en train de réunir le plus grand nombre d’alliés jamais atteint dans toute guerre contre Israël depuis des décennies.

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Cet « incident préparé » coïncide avec le 39é anniversaire du retour à Téhéran de l’ayatollah Ruhollah Khomeiny et le début de la révolution populaire de la République Islamique d’Iran (11 Février 1979).

La Syrie défie clairement Israël en cherchant la confrontation. Son commandement militaire a exagéré les résultats de l’affrontement lorsqu’il a affirmé que son système de défense a abattu plus qu’un avion israélien. À ce moment-là, Israël nageait en pleine confusion et a essayé de cacher ce qui s’est passé pendant deux heures.

Un climat de guerre s’alourdit au Moyen-Orient à la suite de la signature au Liban de contrats d’investissements pétroliers avec un consortium formé de sociétés de l’Italie, de la France et de la Russie pour les blocs 9 et 4, malgré l’objection d’Israël à ces investissements et la tentative de médiation ratée des USA. Outre le fait de ne pas être prêt à répondre à un front immense s’étendant de Naqoura au Golan, Israël aussi investit dans l’exploration pétrolière et gazière et souhaite relancer sa propre économie.

Sauf que les guerres éclatent à la suite d’erreurs et de provocations même lorsque les parties ne sont pas prêtes à répondre à une escalade. La région a atteint le point d’ébullition : la guerre syrienne n’est pas terminée, les superpuissances rivalisant entre elles en veillant à leurs intérêts, en défendant leurs amis et en combattant directement ou par l’entremise de leurs mandataires. Aujourd’hui, en plus d’être connue pour son feuilleton « Bab al-Hara » (traduit par « La porte du quartier »), la Syrie risque bien de devenir la « porte menant à la guerre ouverte » si les parties ne mettent pas fin à leurs provocations et à leurs escalades.

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