Les USA menacent l’économie et la sécurité de l’Europe : l’Iran refuse toute solution de rechange et se tourne vers la Russie et la Chine

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Par Elijah J. Magnier: @ejmalrai

Traduction : Daniel G.

« L’Iran va rejeter toute offre de retour à la table de négociation de la Communauté européenne et même des USA pour reprendre la rédaction de l’accord sur le nucléaire, en échange de l’abandon par Téhéran de son programme de développement de missiles, de son retrait de la Syrie et de son soutien à ses alliés (le Hezbollah au Liban, le Hamas et le Mouvement du djihad islamique en Palestine, les Houthis au Yémen), parce que ce qui est en jeu, c’est la sécurité nationale de l’Iran, sa constitution et sa doctrine », a affirmé un haut responsable iranien engagé dans les négociations sur le programme nucléaire.

« Tous les milliards que l’Europe croit pouvoir offrir à l’Iran pour restructurer et modifier l’accord sur le nucléaire ne changera pas nos opinions et nos objectifs. De nouvelles sanctions vont sûrement éprouver l’Iran, mais des solutions de rechange existent sur le plan économique. Elles existaient même pendant les décennies qu’ont durées les sanctions qui nous ont été imposées. Mais l’Iran de 2018 n’est plus l’Iran de 1979. Nous avons des partenaires et des alliés partout dans le monde. »

La source est catégorique : « l’imam Ali Khamenei nous a dit, à juste titre, que si les Américains nous demandent un doigt et que nous leur donnons, ils demanderont une main, et si nous leur donnons, c’est un bras qu’ils demanderont, puis le corps (…) L’objectif, c’est de soumettre Téhéran au contrôle des USA et éloigner l’Iran de la Russie. Nous ne nous sommes jamais soumis en quarante ans depuis la victoire de notre révolution islamique et ce n’est sûrement pas aujourd’hui que nous allons le faire ».

Ce qui est en jeu, ce n’est pas la fabrication d’une bombe nucléaire, c’est le contrôle de l’Iran. L’idée, c’est de frapper les alliés de la Russie qui sont parvenus à défaire les USA sur leur terrain de jeu (le Moyen-Orient), en permettant à la Russie de revenir sur la scène mondiale, plus forte que jamais. Cet objectif des USA (à peine dissimulée!) est manifeste dans les 12 conditionsimpossibles à remplir décrétées par le secrétaire d’État Mike Pompeo, un diktat visant à subjuguer l’Iran et à laisser les USA définir les « choix » de l’Iran, dont celui de ses alliés.

Le jour même de l’annonce du retrait des USA de l’accord sur le nucléaire iranien par le président Donald Trump, le président russe a souligné que la position américaine ne le concernait pas : « Moscou s’engage à respecter tous ses accords avec l’Iran. »

L’Iran ne croit pas que Barack Obama a plaidé en faveur d’un accord sur le nucléaire pour satisfaire Téhéran ou le récompenser, ni que l’ancienne administration américaine était convaincue que l’Iran ne céderait pas. L’administration Obama espérait que Téhéran aborde d’autres enjeux (sa politique au Moyen-Orient, par exemple) et garde ses distances vis-à-vis les géants russe et chinois (qui font concurrence à Washington), qui ne demandent pas mieux que de remplacer les USA et l’Europe en Iran pour l’aider à surmonter les sanctions américaines.

L’Iran croit en effet que la Russie, la Chine et bien d’autres pays (comme l’Inde et la Turquie) ne se plieront pas aux sanctions américaines non plus. Même si l’Europe se retire de l’accord sur le nucléaire avant la date limite proposée par l’Iran (40 à 60 jours) pour permettre à l’UE de donner des garanties suffisantes, l’Iran ne se soumettra d’aucune façon à quelque proposition que ce soit provenant des USA.

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Lors de la signature de l’accord sur le nucléaire iranien en 2015, l’Iran était scindé en deux, les uns voulant conclure des accords économiques avec l’Europe, les autres préférant se concentrer sur les accords existants avec la Chine et la Russie principalement.

Aujourd’hui, si l’Europe se retire ou n’arrive pas à proposer des garanties suffisantes à l’Iran, d’autres partenaires (la Russie et la Chine) sont prêts à prendre le relais. Si, par exemple, Total se retire du gisement gazier Pars, la société chinoise CNPC est prête à le remplacer (Total est actionnaire à hauteur de 50,1 %, aux côtés de CNPC à 30 % et de PetroPars à 19,9 %). Si les sociétés Airbus et Boeing retirent aussi leurs billes pour respecter la volonté et les sanctions des USA, elles perdront 39 milliards de dollars au profit d’une société russe.

Ce qui ne signifie pas que l’Iran va perdre ses partenaires européens actuels, mais force est de constater qu’il n’a pas retiré grand-chose jusqu’ici, l’Iran n’ayant récupéré que 10 des 150 milliards de dollars d’actifs qui sont gelés aux USA. Ainsi, la perte réelle ne découle pas tant du refus des USA de respecter l’accord que du fait de s’être traîné les pieds avant de tout laisser tomber une fois Trump au pouvoir.

« Trump ne comprend pas que la politique de piraterie et sa conduite à l’égard des dirigeants des pays du Moyen-Orient est un hommage qui leur est rendu et une forme de chantage qui les maintient au pouvoir. Trump veut imposer sa domination sur la République islamique et maintenir un « contrôle » unilatéral sur le monde, contrairement à Obama qui avait compris l’inutilité de persister dans cette voie. C’est que Trump ne peut tout simplement pas accepter la réalité du retour de la Russie et refuse de partager le pouvoir. »

Il est vrai que la Russie est entrée dans la danse des sanctions imposées par les USA contre l’Iran, mais elle était alors faible (des années 1990 à 2011). La situation a toutefois changé depuis la guerre en Syrie. Un nouveau rapport de force a vu le jour lorsque « l’Axe de la résistance » et la Russie (qui, sans en faire partie, l’appuie au Levant) ont défait les USA et leurs alliés en Europe et au Moyen-Orient, en plus d’empêcher un « changement de régime ». Par conséquent, l’Iran et ses alliés ne se sentent pas en position de faiblesse devant le durcissement de la position américaine à leur égard.

Le président Bachar al-Assad a été invité il y a déjà longtemps à abandonner la cause et les organisations palestiniennes qu’il héberge en Syrie ainsi que le « Hezbollah » libanais. Il a refusé et une guerre a été menée contre son pays. Le Hezbollah s’est vu offrir des milliards de dollars pour mettre fin à ses attaques contre Israël et retirer ses armes du sud du Liban. Son secrétaire général a rejeté les offres répétées du Japon et des USA. L’Iran a tout autant rejeté les milliards de dollars et la levée des sanctions promis pour qu’il cesse de soutenir la Palestine et le Hezbollah. Lorsque les USA se sont rendu compte de l’échec du recours à la force militaire et du changement de régime au Levant pour écraser les ennemis d’Israël et ceux qui ne sont pas passés sous l’orbite de sa domination, ils se sont tournés vers la guerre économique et l’imposition de « nouvelles anciennes » sanctions.

Aujourd’hui, la Communauté européenne se joint à « l’Axe de la résistance » contre le harcèlement de Trump. C’est le vieux continent qui sera le plus touché par les sanctions américaines imposées contre l’Iran et ses partenaires. Trump se comporte envers ceux qui sont censés être ses partenaires européens de la même façon qu’avec les pays arabes (une politique mélangeant encouragement et intimidation, principalement à l’endroit de l’Arabie saoudite, du Bahreïn et des Émirats).

Ainsi, les USA menacent non seulement l’Iran et « l’Axe de la résistance », mais aussi la sécurité et l’économie de l’Europe, qui sont toutes deux mises en péril par un allié de longue date. Trump pousse le monde vers le militarisme, mais aussi vers une désaffection à l’endroit des USA, par sa politique unilatérale débridée qui refuse d’accepter un fait accompli, à savoir que la période d’unilatéralisme est bel et bien terminée.

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