La campagne électorale «explosive» de Netanyahu pourrait bien déclencher une bataille : la Syrie et le Hezbollah ont le doigt sur la gâchette

Par Elijah J. Magnier: @ejmalrai

Traduction : Daniel G.

Israël a attaqué la Syrie à de nombreuses reprises en sept ans de guerre imposée à ce pays. Il a brûlé les feux rouges et brisé les tabous afin de provoquer « l’Axe de la résistance » à l’intérieur de la Syrie, mais en se gardant de s’attirer les foudres du Hezbollah au Liban. Mais la dernière attaque israélienne a dépassé les limites du tolérable pour la Syrie et ses alliés. Par conséquent, le président Assad s’est préparé en vue d’une bataille contre Israël entre deux guerres, en sachant qu’elle pourrait durer des semaines. Mais le président de la Syrie ne sera pas seul : Assad et Nasrallah dirigeront tous les deux toute bataille éventuelle contre l’agression israélienne quand la décision de l’engager sera prise. 

Tout récemment, Israël a bombardé l’armée syrienne et détruit les bureaux et les bases du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI) en Syrie, mais sans infliger de pertes humaines. Parallèlement, le premier ministre Benjamin Netanyahu s’est rabaissé au niveau du chef de la brigade Al-Qods du CGRI, le général Qassem Soleimani, en le mettant au défi sur les médias sociaux. En fait, Netanyahu est tombé dans le piège que le général iranien avait tendu au président Donald Trump. 

Soleimani avait demandé au président Hassan Rouhani de ne pas répondre « aux provocations de Trump, car c’est un insolent qui n’est pas à ta hauteur » et de lui permettre de le faire à sa place. Ce qui a eu pour résultat que Soleimani, qui est un simple officier des forces de sécurité iraniennes, s’adresse directement à des dirigeants de pays, y compris à un premier ministre arrogant qui commande ce qu’il considère comme la meilleure armée du Moyen-Orient et l’une des plus puissantes du monde. Mais le style de Soleimani diffère de celui de Netanyahu. Il n’a pas de compte twitter, passant plutôt son temps sur le champ de bataille et dans des réunions avec des dirigeants de groupes, des responsables et parfois, des présidents et des premiers ministres. Soleimani est patient, mais il pourrait bien finir par répondre aux provocations tôt ou tard. 

Des sources bien informées affirment que l’Iran n’a pas l’intention de supporter les agressions à répétition d’Israël contre la Syrie et les positions du CGRI sans coup férir. L’Axe de la résistance sait bien que Netanyahu cherche à pousser l’Iran vers un affrontement pendant que les forces américaines sont encore déployées au nord-est de la Syrie et peu avant la réunion de Varsovie organisée par Trump contre l’Iran. C’est un moment délicat pour riposter, ce qui n’empêche toutefois pas les alliés de l’Iran de répondre à sa place.

Comme je le mentionnais dans un articleprécédent en parlant de la décision du gouvernement central à Damas d’établir une nouvelle règle d’engagement en réponse aux attaques continuelles des Israéliens, la Syrie comptait riposter contre toute nouvelle attaque israélienne. Mais cette décision a été prise juste avant que Trump annonce son intention de se retirer de la Syrie. Cette déclaration a amené la Syrie et ses alliés à se mettre en mode pause, le temps de réfléchir à la meilleure façon de réagir.

Tel-Aviv est conscient que l’Iran dispose d’une marge de manœuvre limitée en ce moment critique et sait que l’Axe de la résistance préfère voir les USA partir en se gardant de riposter contre les attaques israéliennes continuelles. Il n’en demeure pas moins que la dernière attaque israélienne a dépassé les bornes pour la Syrie et ses alliés. Netanyahu a annoncé qu’il était responsable des bombardements multiples contre la Syrie, ce qui constitue une entorse sans précédent à la loi du silence que respecte habituellement Israël. Netanyahu utilise en fait l’armée comme outil publicitaire en vue des prochaines élections.

Le premier ministre israélien ne réalise peut-être pas que Soleimani ne répondra pas à ses provocations en Syrie tout simplement parce que les cibles iraniennes n’ont pas été bombardées en Iran. Damas a riposté à l’attaque en lançant des missiles contre Israël qui, dans son énervement, a bombardé des dizaines de cibles afin d’éviter une escalade plus grande. N’empêche que l’ambassadeur de la Syrie à l’ONU Bachar al-Jaafari a averti que l’aéroport de Tel-Aviv pourrait être bombardé si Israël poursuivait son agression contre la Syrie. Ce qu’al-Jaafari n’a pas révélé, c’est le fait que le président Assad se prépare en vue d’une bataille contre Israël entre deux guerres, en sachant qu’elle pourrait durer des semaines. 

C’est qu’une longue bataille entre la Syrie et Israël mettrait fin aux chances de Netanyahu de se faire réélire. Aucun premier ministre israélien n’a été élu en exposant la population qu’il représente à un danger causant la mort de citoyens israéliens.

Mais comment la Syrie peut-elle riposter si, comme le prétend Israël, tous les entrepôts syriens et iraniens ont été bombardés et détruits avec leurs milliers de missiles? Comment le Hezbollah peut-il soutenir la Syrie si, comme l’affirme Israël, il a rendu inutilisables tous les convois transitant de la Syrie au Liban? Comment est-ce possible de réapprovisionner le Liban si les USA occupent le passage frontalier d’al-Tanf entre la Syrie et l’Irak, supposément pour stopper l’afflux d’armes de Téhéran à Beyrouth? 

En 2006, Israël a payé le prix en ayant cru qu’il avait mis à mal l’arsenal du Hezbollah et en découvrant, après le massacre des Merkava à Wadi al-Hujeir et le bombardement de la corvette de classe Saar-5, que les renseignements qu’il détenait au sujet des missiles du Hezbollah et du soutien syrien étaient erronés. Tel-Aviv croyait à tort qu’il pouvait facilement concrétiser le rêve américain d’établir le « nouveau Moyen-Orient » annoncé par la secrétaire d’État Condoleezza Rice. Personne en Israël ne croyait que le Hezbollah attendrait avec des missiles guidés antichar Kornet et des missiles antinavire chinois. 

Aujourd’hui, l’Axe de la résistance, c’est-à-dire la Syrie et le Hezbollah au Levant, ont non seulement une plus grande expérience de la guerre, mais possèdent aussi des missiles antinavires plus modernes (Yakhount) et d’autres surprises meurtrières, comme des missiles de précision capables de frapper une cible n’importe où en Israël.

De plus, le Hezbollah dispose de plusieurs bases de missiles stratégiques à la frontière entre le Liban et la Syrie. Le groupe n’hésitera pas à les utiliser généreusement contre Israël s’il attaque son allié syrien. Mais le Hezbollah ne devrait pas s’en tenir qu’à un soutien armé. Sayyed Hassan Nasrallah est non seulement un brillant orateur et un fin psychologue de la guerre, mais aussi un stratège militaire et un commandant minutieux. Il était présent au centre des opérations militaires de chacune des batailles contre Israël et a participé à chaque déploiement de ses hommes contre Israël pendant la guerre de 2006 et par la suite. La planification, le commandement et le contrôle logistiques, techniques et militaires entre le Hezbollah et la Syrie ne font aujourd’hui qu’un. Nasrallah sait comment livrer combat à Israël, quelle puissance de feu employer et quand. Assad et Nasrallah dirigeront tous les deux toute bataille éventuelle contre l’agression israélienne quand la décision de l’engager sera prise. 

La Russie est consciente de la détermination de l’Axe de la résistance à riposter et du danger que cela pose pour tout le monde au Levant. Les Russes ont invité les membres du CGRI à évacuer leurs centres de commandement et de contrôle avant d’être attaqués par Israël. Le commandement militaire russe s’est informé auprès du CGRI au sujet de ses nouveaux centres de commandement et de contrôle, pour se faire dire que « dorénavant, ses bases seront disséminées sur l’ensemble du territoire syrien aux côtés de l’armée syrienne dans chaque baraquement ». 

Cette réponse a poussé la Russie à demander à Israël, plus directement et ouvertement, de cesser de bombarder la Syrie. C’est que les Russes ne veulent absolument pas se retrouver au milieu d’un échange de missiles entre la Syrie et Israël au-dessus de leurs têtes au Levant.

L’arrogance de Netanyahu l’a poussé à délaisser la politique israélienne qui consiste à refuser d’admettre la responsabilité de ses agressions, ce qui déroute le commandement militaire. Le premier ministre a relayé ses boniments électoraux à la haute direction militaire. Il préfère devenir une star des médias sociaux au lieu de suivre l’exemple discret de ses prédécesseurs.

Si Netanyahu veut être réélu, il doit éviter toute bataille contre la Syrie, dont le résultat sera hors de son contrôle. Sa meilleure stratégie serait de garder le silence jusqu’à la tenue du scrutin. 

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