Israël va-t-il cesser de jouer dans le terrain de jeu de l’Axe de la Résistance et s’y casser les dents?

Par Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

Un capitaine roumain et un agent de sécurité britannique ont été tués à la suite d’une attaque par drone suicide lancée contre le pétrolier M/T Mercer Street – un navire battant pavillon libérien et appartenant au Japon, qui fait partie de la flotte Zodiac du milliardaire israélien Eyal Ofer et qui naviguait de la Tanzanie vers les Émirats arabes unis. La première attaque contre le pétrolier n’a causé que des dégâts matériels, mais elle a été suivie d’une deuxième attaque au cours de laquelle la tour de commande et de contrôle a été touchée, provoquant ainsi les pertes humaines. Selon la chaîne Al-Alam TV, il s’agissait d’une riposte à l’attaque israélienne contre l’aéroport d’al-Dab’aa en Syrie, où des Iraniens et des membres du Hezbollah libanais ont été tués et blessés. L’attaque israélienne a ainsi modifié la règle d’engagement établie, en violant la limite d’acceptation dans le conflit en cours et en poussant l’Iran à se lancer dans une « campagne entre deux guerres » dont l’intensité devrait augmenter. Ce qui est un choc pour Israël, c’est que l’Iran vient de démontrer que tous les théâtres sont liés et qu’une frappe israélienne peut susciter une riposte inattendue en mer d’Oman.

Israël a effectué plus d’un millier de frappes contre des cibles en Syrie en dix ans de guerre qui visaient l’armée syrienne et des cibles appartenant à l’Axe de la Résistance. Mais tout ce que cela a donné, c’est d’élargir l’influence de l’Axe de la Résistance au Levant, qui a remporté la guerre destructrice et vaincu les groupes takfiris (Daech et Al-Qaïda) et autres groupes syriens soutenus par les pays du Golfe et de l’Occident. L’Axe de la Résistance a aussi élargi et consolidé son influence en Irak et au Yémen, en formant un front solide contre Israël et ses alliés.

Israël a tenté de s’immiscer dans le théâtre irakien en envoyant des drones suicide qui ont détruitsept entrepôts appartenant aux Hachd al-Chaabi rattachés aux forces de sécurité irakiennes. Un drone israélien opérant à partir des bases militaires US en Syrie et en Irak a également attaqué et tué un commandant irakien qui se dirigeait vers la frontière irako-syrienne.

Il y a deux ans, Israël a envoyé deux drones suicide en direction de la capitale libanaise, Beyrouth. Le premier a explosé près du bureau du Hezbollah, l’autre s’est écrasé et a été retrouvé intact, avec sa charge explosive. L’attaque a sonné l’alarme au sein de l’Axe de la Résistance, qui se rendait alors compte qu’Israël utilisait dorénavant ce type de drones kamikazes pour atteindre ses cibles sans avoir à rendre de comptes. L’Axe de la Résistance a donc emboîté le pas en se mettant lui aussi à utiliser des drones suicide sur de nombreux théâtres.

Au cours des 18 derniers mois, Israël a prétendu avoir mené plusieurs dizaines d’attaques contre des cibles iraniennes. La « guerre du sabotage » que se livrent l’Iran et Israël n’est plus un secret pour personne, car les deux parties admettent leur responsabilité respective des attaques qu’elles s’infligent l’une et l’autre en recourant à la manière traditionnelle qu’est la fuite dans les médias. C’est l’ancien premier ministre Benyamin Netanyahou qui a explicitement rompu la pratique israélienne qui consistait à nier toute responsabilité en révélant qu’Israël était derrière de nombreux sabotages et assassinats illégaux contre des scientifiques et des institutions de l’Iran.

Il faut toutefois reconnaître qu’Israël joue avec le feu en opérant en dehors de sa zone de confort et en s’en prenant à l’Iran dans la propre cour de ce dernier. Israël est également confronté à une grave remise en cause de son autorité et de sa réputation au Moyen-Orient. Reste à savoir combien de temps il pourra soutenir ce petit jeu du coup pour coup qu’il a lui-même initié. 

Ce qui surprend Israël, c’est que l’Iran a rétorqué en mer d’Oman à une attaque israélienne en Syrie, créant ainsi une nouvelle règle d’engagement en choisissant le théâtre directement au lieu de le faire par l’intermédiaire de ses alliés ou de riposter sur le théâtre opérationnel au Levant. Ce choix iranien indique que Téhéran a délibérément évité toute implication supplémentaire du gouvernement syrien, qui ne souhaite manifestement pas entrer dans une guerre ouverte contre Israël. Cela signifie aussi que l’Iran ne se contentera plus du théâtre syrien pour user de représailles ou faire preuve de retenue, et qu’il choisira où il ripostera aux attaques continuelles d’Israël contre des cibles iraniennes au Levant.

Selon un haut responsable de l’Axe de la Résistance, l’Iran sait que « 90 % des marchandises d’Israël passent par la mer, qui se trouve dans le théâtre d’opérations de l’Iran et à sa portée militairement parlant. Israël est incontestablement un ennemi intelligent. Cependant, l’idée d’étendre son théâtre d’opérations à l’intérieur de la zone contrôlée par l’Iran est arrogante, provocatrice et contre-productive. L’Iran n’a que l’embarras du choix de cibles israéliennes en mer si Israël veut jouer à un petit jeu qui pourrait bien lui casser les dents. Israël a beaucoup plus à perdre s’il décide de répondre à l’attaque iranienne, car la riposte du côté iranien arrivera assez vite. La plus récente était significative et équilibrée, ce qui a permis d’imposer la dissuasion et une nouvelle règle d’engagement qui cause encore confusion et douleur à Israël. »

Ce n’est pas la première fois qu’Israël bombarde l’aéroport al-Dab’aa situé dans la zone d’al-Quseir. Israël considère cette zone comme une base de l’Axe de la Résistance, une zone d’entreposage de ses missiles de précision et stratégiques qui ne manquera pas d’être impliquée dans la prochaine guerre contre Israël. Cependant, c’est la première fois qu’Israël ciblait un dortoir de l’aéroport avec l’intention apparente de causer des pertes humaines, une frappe qui a tué et blessé trois personnes. Israël savait donc que des représailles étaient possibles. Sauf qu’il ignorait comment, quand et où. Le pétrolier de Mercer Street a d’abord subi l’attaque d’un drone qui n’a endommagé que le navire. La deuxième attaque par drone suicide contre ce pétrolier exploité par Israël semble avoir cherché intentionnellement à causer des pertes humaines (deux personnes ont été tuées), ce qui semble ramener le compte avec les pertes d’al-Dab’aa à égalité.

« Si Israël augmente la tension et les attaques, il essuiera des actes similaires, à moins de rétablir la règle d’engagement traditionnelle qui consiste à laisser Israël bombarder des cibles insignifiantes et détruire des entrepôts remplaçables, une cuisine ou une piste d’atterrissage. Sinon, Israël doit s’attendre à des représailles contre ses intérêts n’importe où, avec ou sans escorte navale américaine. La banque d’objectifs de l’Iran est abondante et Israël est de toute évidence beaucoup plus vulnérable qu’il ne le croit. La dernière attaque visait un pétrolier vide, mais cela a suffi pour augmenter le coût des assurances et avoir des répercussions financières sur Israël », a révélé la source.

Israël a ouvert une boîte de Pandore et ce n’est pas en se cachant sous la jupe des USA qu’il protégera ses navires si les attaques en Syrie se poursuivent. L’Iran mène une campagne « d’entre-deux-guerres » contre Israël et les choix sont limités. Toute escalade mettra en danger la navigation israélienne, tandis que l’absence de réponse signifiera qu’Israël se contente de panser ses plaies sous l’œil attentif du reste du monde. La dissuasion iranienne s’est imposée d’une façon ou d’une autre. Le plus inquiétant et le plus crucial pour Israël est de savoir si l’Iran imposera une règle d’engagement chaque fois qu’Israël frappera des cibles en Syrie ou seulement lorsqu’il visera un objectif appartenant à l’Axe de la Résistance. La suite des choses répondra à cette question. Aucune des deux réponses n’est bonne pour Israël, qui a déclenché une nouvelle chaîne d’événements qui lui fera tort.

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