Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
Après 13 mois de conflits internes entre politiciens et la démission des premiers ministres désignés, le gouvernement libanais a vu la lumière en se soumettant aux mêmes conditions que le président Michel Aoun avait exigées, sans y apporter de modification significative, mais seulement à cause de l’Iran.
Lorsque l’ancien premier ministre Saad Hariri a démissionné en 2019 en réponse à la volonté des USA et de l’Arabie saoudite et à la suite des troubles qui ont frappé le pays, il a travaillé fort pour éviter que tout premier ministre désigné le remplace pendant plus d’un an. Hariri voulait conserver le pouvoir pour lui. Pour accomplir cette tâche, il comptait sur l’énorme appui du président du Parlement, Nabih Berri, qui n’a ménagé aucun effort pour protéger le gouverneur de la Banque centrale, Riyad Salamé, et nuire au premier ministre Hassan Diab, même si ce dernier avait été désigné par le bloc dont faisait partie Berri et son puissant allié, le Hezbollah.
Berri a formé une alliance involontaire avec Hariri ouvertement hostile au président de la République, le général Michel Aoun, et à son gendre, l’ancien ministre des Affaires étrangères et député Gebran Bassil, chef du plus grand bloc chrétien au Parlement. Le ressentiment s’est accru entre le premier ministre et le président du Parlement d’une part, et le président du pays d’autre part, chaque fois que le général Aoun demandait un audit et un examen approfondi de toutes les dépenses effectuées au cours des dernières décennies. La demande d’audit porterait préjudice à tous les politiciens qui ont dirigé le Liban depuis 1990 en répandant la corruption et en s’accaparant illégalement des richesses sans rendre de comptes. De plus, Berri n’a jamais oublié que l’ancien ministre des Affaires étrangères l’a déjà traité de « voyou », une étiquette d’ailleurs bien méritée.
Ces politiciens libanais corrompus étaient alliés des USA, des chefs d’État européens et des rois et émirs du Moyen-Orient. L’État était considéré comme une source abondante de revenus et la question de la responsabilisation n’a jamais été abordée, car les politiciens ferment les yeux et se protègent mutuellement. De plus, ces mêmes politiciens représentent de nombreux députés, bénéficient d’un soutien populaire et exercent une influence qui ne peut être ignorée. En effet, au cours des dernières décennies, ils se sont employés à affermir leur autorité au sein des organes de sécurité, des institutions judiciaires et des ministères au point de personnaliser le système libanais, en gouvernant par consensus mutuel et se soutenant mutuellement au besoin.
Les chrétiens du Liban représentent la moitié de la population. Cependant, au fil des décennies, leur nombre a diminué en raison de la croissance démographique des chiites et des sunnites. De plus, l’émigration importante de dizaines de milliers de chrétiens libanais en quête de meilleures opportunités à l’étranger a contribué à la supériorité du nombre d’habitants de confession musulmane dans le pays. Le défunt premier ministre Rafic Hariri et le Président Berri ont tiré avantage du changement de pouvoir sous le mandat syrien et de l’harmonie entre sunnites et chiites dans la région. Ils ont alors nommé leurs ministres (sunnites et chiites) pour la plupart des ministères dont les titulaires étaient chrétiens.
L’arrivée au pouvoir du président Aoun et de son gendre, ainsi que l’alliance conclue avec le Hezbollah en 2008, ont protégé les chrétiens au sein du conseil des ministres et leur ont redonné le pouvoir qu’ils avaient perdu. Nonobstant l’absence de statistiques sur le nombre d’habitants de confession chrétienne, les chrétiens représenteraient aujourd’hui moins de 30 % de la population. Cependant, les chrétiens libanais ont bénéficié de l’animosité forte et sanglante entre chiites et sunnites qui a explosé en 2003, lorsque les USA ont occupé l’Irak en écartant le leader sunnite « solide » qu’était Saddam Hussein du pouvoir au profit des chiites. La guerre entre sunnites et chiites a trouvé un terrain fertile en Irak, en Syrie et au Liban.
Lors des dernières élections présidentielles libanaises, le Hezbollah, qui représente environ un tiers de la société libanaise et qui est représenté au Parlement, au sein du conseil des ministres et dans des dizaines de municipalités, a décidé de soutenir la candidature du général Michel Aoun à la présidence. Les USA, sous la houlette du président Donald Trump et de son secrétaire d’État Mike Pompeo, ont alors décidé de jeter leur dévolu sur Israël et de tout faire pour préserver sa suprématie et frapper ses ennemis, à la tête desquels se trouvent l’Iran et ses alliés, notamment le Hezbollah libanais.
Les USA se sont vraiment efforcés de montrer du doigt le président Aoun et le député Bassil comme les principaux responsables de l’effondrement économique du Liban. Ces deux dirigeants chrétiens influents ont été diabolisés pour que les futurs dirigeants apprennent à ne pas s’allier au Hezbollah. L’alliance entre le Hezbollah et les deux leaders chrétiens, qui représentent le Tayyar Al Watany Al Hurr (Courant patriotique libre), a permis de protéger les chrétiens contre Al-Qaïda et Daech, en plus de leur rendre ce qui leur appartenait selon la constitution, tout en offrant une couverture adéquate au Hezbollah chiite. C’était une situation gagnante pour toutes les parties, qui donnait l’occasion au Hezbollah de se présenter comme un groupe de résistance non sectaire, même si cela ne faisait aucune différence pour ses ennemis, les USA et leurs alliés. Les saines différences en matière de politique intérieure entre le Hezbollah et les deux influents dirigeants chrétiens ne doivent pas être ignorées. Cependant, l’alliance stratégique demeure solide.Les USA ont soutenu leurs alliés libanais et tous ceux qui détestaient le président Aoun et Gebran Bassil. Les leaders chrétiens qui s’opposent à Aoun-Bassil ont ignoré le motif derrière l’objectif des USA, même s’ils le connaissent. Des leaders chrétiens plus ou moins populaires comme Soleiman Frangié aspirent à devenir président et sont prêts à s’allier avec le groupe d’Hariri contre Aoun-Bassil. Un autre leader chrétien, Samir Geagea, croit pouvoir battre Aoun-Bassil aux prochaines élections, en s’appuyant sur l’influence des USA et sur l’argent et
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