
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
À la suite de l’annonce du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, selon laquelle « une entente avec la Syrie est possible », les groupes d’opposition syriens ont proclamé dans la région d’Idlib occupée par la Turquie qu’ils « ne se réconcilieront pas avec Damas et ne lui pardonneront pas. » Cependant, la position du président Recep Tayyip Erdogan a été catégorique lorsqu’il a annoncé que « de nouvelles mesures (positives) doivent être prises en direction de Damas pour contrecarrer divers plans (de la part des USA) », puis affirmé que « les forces US et de la coalition soutiennent le terrorisme en Syrie ». Serait-ce le prélude à un changement radical de la dynamique au Levant entre la Turquie et la Syrie?
Les positions explicites des hauts responsables turcs sont liées à la réunion tripartite de Téhéran qui réunissait le président iranien, Ibrahim Raisi, et ses homologues russe, Vladimir Poutine, et turc, Recep Tayyip Erdogan, ainsi qu’à la rencontre bilatérale qui a suivi entre Poutine et Erdogan à Sotchi quelques semaines plus tard. Le dialogue entre ces chefs d’État a jeté les bases d’un changement de la position turque concernant la Syrie, en réponse à la nouvelle dynamique dans le monde qui remet en cause l’hégémonie mondiale des USA.
Plusieurs dossiers vitaux entre Ankara et Moscou sont liés à la présence des deux pays en Libye, en Azerbaïdjan, en Ukraine et en Syrie, et, surtout, au fait que la Turquie constitue la deuxième force militaire de l’OTAN en importance, cette même OTAN qui a « à son insu » déclaré la guerre à la Russie. Des dossiers économiques réunissent les deux pays autour d’une même table, comme la construction d’une centrale nucléaire russe de 20 milliards de dollars en Turquie et le gazoduc TurkStream qui s’étend de la Russie à la Turquie pour alimenter les pays de l’Union européenne, entre autres échanges commerciaux et touristiquesentre les deux pays.
Le changement soudain de la politique étrangère d’Ankara ne peut être dissocié des élections turques de la mi-juin l’an prochain et du fardeau financier et économique que subit le gouvernement d’Ankara en raison de la poussée inflationniste, qui a atteint 79,8 %. La détérioration de la monnaie locale et l’agitation de la population qui voit ses économies disparaître progressivement sous l’effet de la crise interne mettent de la pression supplémentaire sur les épaules du président turc. Erdogan est à la recherche d’un virage politique fondamental qui l’éloignerait de l’alliance occidentale, qui ne lui offre pas une relation stratégique et avantageuse. La Turquie se rapproche de ses partenaires du Moyen-Orient et d’Asie, qui pourraient lui apporter le soutien nécessaire à l’approche des élections.
Cependant, il ne faut pas négliger l’accusation d’Erdogan concernant le « soutien des USA et de la coalition internationale au terrorisme », comme il le dit lui-même. Cinquante bombes nucléaires américaines dirigées vers Moscou et d’autres villes russes sont stockées en Turquie sur la base aérienne d’Incirlik, d’où la tentative de coup d’État contre Erdogan a été lancée en 2016. En outre, l’échec des USA dans leur guerre en Ukraine contre la Russie, leur occupation continue du nord-est de la Syrie et le soutien de Washington à la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) expliquent la position « agressive » d’Erdogan. Les États-Unis et l’Europe n’ont jamais retiré le PKK de la liste des organisations terroristes, mais ils continuent à le soutenir et à fournir des armes à ses dirigeants en Syrie.
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