Comment la Russie a perdu la bataille de Kharkiv et quelles sont les leçons qu’elle en retire

Par Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

L’état-major général russe n’a pas tenu compte du fait que l’art de la guerre repose sur la distorsion des faits et que la guerre qu’il mène n’est pas seulement dirigée contre l’armée ukrainienne, mais aussi contre les USA et l’alliance des 29 pays membres de l’OTAN. Il fallait donc s’attendre à des frappes occidentales en dessous de la ceinture, d’autant plus que les objectifs des USA ont été clairement énoncés : « vaincre la Russie et la maintenir engagée en Ukraine aussi longtemps que possible », afin d’épuiser ses ressources et humilier son armée. L’agence de renseignement des USA, le Pentagone et le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’ont pas hésité à dire que Washington était derrière la reprise de milliers de kilomètres carrés à l’armée russe dans la région de Kharkiv, au nord de l’Ukraine près de la frontière russe. Bien que la Russie contrôle toujours un cinquième de l’Ukraine, la défaite de l’armée russe dans la bataille de Kharkiv lance un message qui a été clairement entendu. Il faut donc s’attendre à ce que la Russie devienne encore plus déterminée à poursuivre la destruction des infrastructures et de l’armée ukrainiennes, ce qui affectera l’économie de Kiev et celle de ses voisins européens, qui sont pleinement impliqués et qui accueillent des millions de réfugiés ukrainiens.

Quelles sont les raisons de la défaite russe dans la bataille de Kharkiv qui a trouvé écho dans le monde entier?

Les forces russes et leurs alliés ukrainiens se sont retirés d’Izium, de Kubyansk et de Balakleya, qui représentaient une plaque tournante de transport essentielle et une voie d’approvisionnement pour les troupes russes. Avant le début de la bataille, on a appris que les militaires ukrainiens avaient commencé à se rassembler dans la région pour mener une contre-attaque sur le territoire contrôlé par les forces de Moscou. Le commandement militaire russe n’a pas sérieusement évalué l’ampleur de l’attaque pour empêcher l’Ukraine de remporter une victoire tactique. Par conséquent, Moscou n’a pas déployé suffisamment de forces de défense adéquates pour repousser l’attaque et n’a pas utilisé ses forces aériennes ou des drones armés pour détruire tous les fers de lance de l’attaque ukrainienne pour disperser les forces attaquantes avant qu’elles n’occupent la région. Il ne fait aucun doute que l’Ukraine a subi des milliers de pertes que l’armée ukrainienne ne peut se permettre. Cependant, ce sacrifice a été jugé nécessaire par Kiev à des fins de propagande et pour hausser le moral des troupes.

Cette attaque fait ressortir clairement un important échec des services de renseignement russes. L’état-major général de Moscou a peut-être cru qu’il était confronté à des forces ukrainiennes faibles et mal en point, en minimisant l’influence des dizaines de services de renseignement occidentaux réunis dans une même salle opérationnelle à la base de Ramstein, en Allemagne. Les services de renseignement et militaires occidentaux bénéficient d’un soutien inconditionnel et d’une obéissance aveugle de la part de l’armée ukrainienne, d’une vue d’ensemble obtenue par le biais de satellites, de sources humaines de renseignements et d’équipements sur le champ de bataille. Les états-majors occidentaux se sont employés à rechercher les failles russes et ont dirigé l’armée ukrainienne pour qu’elle inflige à l’ennemi une défaite tactique mineure, mais significative pour les Russes depuis le début de la guerre en février 2022. 

La Russie est également confrontée à des forces ukrainiennes qui sont prêtes à se battre sans se demander si leurs dirigeants militaires sont ukrainiens ou occidentaux. L’armée ukrainienne suit la doctrine militaire occidentale. Son moral est élevé et repose sur une cause qui lui tient à cœur pour avancer sur le terrain, malgré les pertes élevées des 200 derniers jours de la bataille.

Ajoutez à ces éléments le fait que la ligne de défense russe était fragile sur le front de Kharkiv, car elle était principalement composée de quelques centaines de membres des milices locales et de la police militaire russe (Garde nationale). Ceux-ci n’ont pas réussi à monter une bonne ligne défensive capable de résister à une attaque jusqu’à ce que des renforts supplémentaires arrivent à la repousser, en raison de l’évaluation erronée de l’état-major militaire qui croyait qu’une brèche ukrainienne était peu probable, qui a été contraint d’ordonner le retrait des troupes. Le succès des forces des services de renseignement occidentaux a été d’amener les troupes ukrainiennes à prendre possession de territoires importants avec de nouvelles forces formées et équipées en un temps limité par l’OTAN.

La retraite russe s’est arrêtée sur la rive est de la rivière Oskol et de la rivière Siverski Donets, des « obstacles naturels » formant une ligne de défense qu’une force relativement petite est capable de tenir. Cela indique que le retrait russe a été soudain et non planifié et organisé au préalable. Bref, les forces russes statiques ont été prises par surprise. On remarque que la Russie a laissé derrière elle du matériel militaire et des munitions, ce qui signifie que ses troupes se sont livrées à de petits combats pour retarder l’avance de leur ennemi, mais qu’elles se sont abstenues de maintenir leur position et de combattre. En fait, la décision de Moscou de sacrifier de vastes territoires et d’ordonner un retrait rapide a permis de réduire les pertes de l’armée russe. L’attaque ukrainienne était loin d’être gagnée d’avance, car les brigades ont été confrontées à des tirs d’artillerie lourde et à des tirs de l’armée de l’air, qui ont causé de graves dommages aux troupes attaquantes, mais pas suffisamment pour contrer l’attaque.

Qu’est-ce qui a fondamentalement mal tourné ?

Moscou considère toujours la guerre comme une « opération spéciale », car il s’agit d’une opération militaire limitée visant à « détruire le mécanisme du militarisme ». C’est l’un des objectifs russes annoncés par Moscou au début de la guerre. Néanmoins, détruire le mécanisme du militarisme ukrainien suppose de détruire l’armée ukrainienne physiquement et psychologiquement en lui faisant subir une défaite totale. Mais il est peu probable que cela se produise, car cela signifierait que les USA et tous leurs alliés occidentaux ont échoué et ont été vaincus. Il est clair que les USA (et l’OTAN derrière eux) continueront à armer Kiev, parce que l’Occident est en guerre contre la Russie et que l’Ukraine est le théâtre d’opérations. Dans cette guerre, il ne peut y avoir qu’un gagnant et un perdant. La Russie et les USA sont donc tous deux déterminés à gagner cette guerre.Il est peut-être temps d’appeler un chat un chat et de déclarer que les activités militaires en cours en Ukraine constituent une guerre plutôt qu’une « opération spéciale » et de se comporter comme si le président Vladimir Poutine voulait vraiment atteindre ses objectifs. Ce dernier ne combat pas seulement l’armée ukrainienne. L’Occident envisage la possibilité …..

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