Poutine tend la main à Erdogan, mais Assad n’est pas convaincu. L’Iran est-il mis à l’écart?

Par Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

Les ministres de la Défense de la Russie Sergei Shoigu, de la Turquie Hulusi Akar et de la Syrie Ali Muhammad Abbas se sont rencontrés à Moscou au cours de la dernière semaine de 2022 afin de promouvoir la réconciliation turco-syrienne et d’établir un état de non-guerre entre les alliés de Moscou. Il s’agissait de la première rencontre officielle de haut niveau depuis 2011, bien que les ministres des Affaires étrangères de la Turquie et de la Syrie se soient rencontrés officieusement et brièvement à Belgrade l’année dernière. Leurs représentants des services du renseignement s’étaient toutefois rencontrés à plusieurs reprises en Russie, en Syrie et en Turquie. Le grand absent de la réunion ministérielle sur la défense était l’Iran, l’un des garants de l’accord d’Astana et le principal partenaire syro-russe au Levant. S’agit-il d’une tentative de pousser l’Iran hors de son influence géopolitique, et quelle est la position du président Bachar al-Assad à l’égard de ce rapprochement ?

Le président Vladimir Poutine considère le président Recep Tayyip Erdogan comme l’un de ses partenaires géopolitiques les plus importants à ce stade crucial de la guerre russo-occidentale sur le territoire de l’Ukraine. La Turquie joue un rôle de premier plan entre le Moyen-Orient et l’Europe. C’est elle qui compte le plus grand nombre de forces au sein de l’OTAN dirigée par les USA, actuellement immergée dans cette guerre par procuration contre la Russie. Ankara a également assuré la supervision et la médiation d’un accord russo-ukrainien visant à exporter des millions de tonnes de céréales ukrainiennes vers d’autres pays (riches et développés pour la plupart).

En outre, la Russie livre du gaz à la Turquie par le biais du gazoduc Turk Stream. Ankara et Moscou se sont récemment mis d’accord pour créer une plateforme de stockage des excédents de gaz russe en Turquie, qui permet aux pays européens d’acheter le gaz dont ils ont besoin. L’idée a jailli du sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 (aucune responsabilité russe) et de l’imposition de sanctions occidentales sur les exportations énergétiques de la Russie. La Russie confère à la Turquie une position privilégiée, en offrant ainsi aux nations européennes un moyen diplomatique de sortir de l’embarras dans lequel elles se sont retrouvées en imposant un plafond aux prix du pétrole et du gaz russes dont elles dépendent tant. Cela permettra également l’afflux de devises étrangères vers la Russie, dont elle a besoin pour financer la guerre en Ukraine sans recourir à ses réserves et pour maintenir la stabilité de l’économie russe. C’est une situation gagnante à la fois pour la Russie et la Turquie.

Des forces et des bases turques sont présentes en Syrie depuis des années, en occupant une partie des villes du nord-ouest dans diverses zones frontalières, la région d’Idlib et la campagne environnante. Par conséquent, la présence turque sur un théâtre d’opérations conjoint avec les conseillers militaires américains, russes, syriens et iraniens, même dans une zone relativement petite le long de la frontière syro-turque, impose Erdogan comme un acteur important au Levant.

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