De la domination à la désunion : insuccès des sanctions occidentales et réalignement mondial

Par Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

La Russie a temporairement interrompu ses exportations d’essence et de diesel vers les pays situés en dehors de son cercle restreint comprenant le Belarus, le Kazakhstan, l’Arménie et le Kirghizistan, une initiative qui signale un changement dans la dynamique mondiale. Pour sa part, la Chine a fortement réduit ses exportations de deux métaux rares essentiels à la production de semi-conducteurs et de panneaux solaires. Cette mesure est largement considérée comme une réponse directe aux contrôles des exportations par les États-Unis, Pékin invoquant la nécessité de « sauvegarder sa sécurité et ses intérêts nationaux ». Ces manœuvres économiques font suite à une déclaration importante du ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, à propos de l’émergence d’un « nouvel ordre mondial », qui suggère une refonte de la dynamique du pouvoir mondial. 

Déjà aux prises avec les effets d’une guerre par procuration à ses portes, l’Europe est confrontée à des problèmes économiques croissants. La hausse de l’inflation, la lenteur des hausses de taux d’intérêt et l’affaiblissement de l’euro ont aggravé les difficultés du continent. La flambée des prix du pétrole et l’augmentation générale des coûts des produits de base ont ajouté à la pression. Devant ces défis, des divisions apparaissent parmi les dirigeants européens quant à la viabilité du conflit en cours. 

La récente contre-offensive ratée de l’Ukraine orchestrée par l’OTAN, la réévaluation par l’Europe de son échec et la réticence du Congrès américain à approuver un programme d’aide de 24 milliards de dollars pour l’Ukraine soulèvent des questions quant à la viabilité de la guerre. 

L’Europe réévalue sa position par rapport à l’Ukraine

En Slovaquie, le parti populiste de gauche Smer, dirigé par l’ancien premier ministre Robert Fico, a remporté les élections de samedi. Le parti s’est engagé à stopper les livraisons d’armes à l’Ukraine, à s’opposer à l’adhésion potentielle de Kiev à l’OTAN et à résister aux sanctions contre la Russie. Avec ce triomphe, le parti Smer est prêt à prendre la tête d’une majorité obtenue au parlement qui compte 150 sièges. Dans le même temps, la Pologne a déclaré qu’elle suspendrait ses livraisons d’armes à l’Ukraine. Par ailleurs, des pays comme la Hongrie et l’Autriche restent fermes dans leur décision de poursuivre le commerce de l’énergie avec la Russie, ce qui souligne la complexité et la désunion de la réponse européenne au conflit ukrainien. 

Malgré les sanctions imposées aux sources d’énergie russes, la dépendance des pays européens à leur égard reste évidente. Les données indiquent qu’entre janvier et juillet 2023, les pays européens ont acheté 22 millions de mètres cubes de gaz naturel liquéfié à la Russie, ce qui représente une augmentation significative par rapport aux 15 millions de mètres cubes achetés au cours de la même période avant le début de la guerre. Ces développements font ressortir l’équilibre précaire que les pays européens tentent d’établir entre leurs prises de position politiques et les réalités économiques. 

Historiquement, l’Allemagne a toujours été une puissance sur les marchés mondiaux, en particulier dans des secteurs comme l’automobile et la machinerie, en produisant du verre, du papier et des revêtements métalliques utilisés dans l’architecture et les véhicules. Ces prouesses industrielles ont stimulé les exportations allemandes et consolidé sa position de pays le plus riche de la Communauté européenne. Cependant, sous la direction d’Olaf Schulz, la trajectoire politique de l’Allemagne est marquée par un changement notable. S’éloignant de la position relativement indépendante d’Angela Merkel par rapport aux décisions américaines, le gouvernement obéissant de Schulz s’est impliqué davantage dans le conflit américano-russe en Ukraine. 

L’une des conséquences notables de ce virage politique a été la décision de l’Allemagne d’interrompre le projet Nord Stream 2. S’écartant nettement de sa position précédente, l’Allemagne a accepté de suspendre ce projet de gazoduc destiné à acheminer du gaz russe bon marché vers l’Europe qui était financé par la Russie, l’Allemagne et plusieurs autres pays de l’UE. Cette décision a été prise à la suite du sabotage du gazoduc par les États-Unis, qui aurait entraîné l’une des pires catastrophes environnementales de l’histoire européenne. Il est intéressant de noter que la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, leader des Verts, semble être d’accord avec les conséquences environnementales et économiques de cette catastrophe provoquée par les États-Unis. 

La position de Baerbock soulève des questions en ce qui concerne l’engagement du parti envers son éthique environnementale et les répercussions plus vastes sur la diplomatie et la sécurité énergétique de l’Allemagne. La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, espère que le procureur général allemand trouvera suffisamment de preuves pour inculper les auteurs du sabotage. Mais rien n’a été fait pour traduire les responsables en justice et les pays membres de l’UE du nord ont abandonné l’enquête. C’est que la révélation de la vérité aurait embarrassé tous les dirigeants de l’UE et les aurait contraints à agir contre les coupables. Il n’existe aucun plan à court terme pour permettre à la Russie de réparer le gazoduc endommagé ou à l’Allemagne d’importer à nouveau du gaz.

Cette décision a eu de profondes répercussions économiques. L’absence de gaz naturel russe à prix abordable a gravement affecté le secteur industriel et l’économie jusque-là vigoureuse de l’Allemagne. Celle-ci et de nombreux pays européens sont confrontés au coût élevé des importations de gaz naturel liquéfié, dont le prix est presque quatre fois supérieur à celui du gaz russe. Ces importations proviennent principalement de pays tels que les États-Unis, le Qatar et la Norvège. 

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