
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
Depuis la « déclaration » de la guerre américano-russe sur le territoire ukrainien, le monde est divisé en deux pôles. Le premier regroupe les États-Unis et leurs alliés occidentaux à leur remorque contre la Russie. L’autre représente le reste du monde qui rejette la politique américaine et son unilatéralisme marqué par des guerres et des sanctions économiques sans discernement contre des populations entières. Il y a aussi de nombreux pays qui ne sont pas en mesure de prendre parti et préfèrent rester à distance égale entre les États-Unis et la Russie, en observant le déroulement de la bataille. Rester neutre signifie que la relation avec les États-Unis n’est pas une question de choix, mais fort probablement une nécessité, afin d’éviter des mesures de rétorsion qui pourraient faire mal aux États neutres. Au milieu de la guerre en cours qui définira l’avenir du monde et sa polarité, le rôle des Nations unies est tombé dans les limbes ou a été gelé pour une période indéterminée, puisqu’il n’a pas son mot à dire dans la guerre en cours entre les deux superpuissances. Ce qui signifie que le droit international et « l’ordre mondial » naviguent sur un navire qui compte de nombreux capitaines ayant des interprétations différentes, chancelantes et partiales de la loi. Chaque capitaine agit selon ses caprices et promulgue des lois qui lui conviennent et qui vont dans le sens de la sécurité nationale et des intérêts de son pays, au mépris du bien-être de milliards d’habitants de la planète. Alors, quelle est la différence entre la Russie et les États-Unis en fin de compte?
Les États-Unis ont mené des guerres sur de multiples fronts immédiatement après la Seconde Guerre mondiale et n’ont jamais cessé, même pendant la guerre froide, qui a donné naissance à deux grandes superpuissances (les USA et l’Union soviétique) qui ont continué à se battre pour maintenir leur position sur l’échiquier international. La « guerre contre le communisme »livrée par les États-Unis a commencé par le renversement ou les tentatives de renversement de tous les régimes pro-Moscou sur de nombreux continents et par l’établissement précipité de bases militaires pour contrer l’Union soviétique. Cette dernière a déployé des forces dans les pays les plus affaiblis, que la Seconde Guerre mondiale avait épuisés, et a en pris le contrôle en suivant le modèle de l’expansion américaine. Washington a resserré son contrôle sur l’Occident et a crée des zones d’influence en Amérique latine, en Afrique, en Australie, en Europe et au Moyen-Orient (Israël), où de nombreux pays arabes se sont rangés du côté de Moscou pendant des décennies, notamment les Palestiniens et les pays du Levant, la Mésopotamie et l’Égypte.
Après la chute de la Perestroïka en 1991, il est devenu clair pour les États-Unis que l’Union soviétique ne lui ferait plus concurrence pendant une longue période. Le système socialiste soviétique s’est effondré sous le poids d’une croissance économique limitée, du coût financier pour maintenir son influence en Europe de l’Est, de la course aux armements nucléaires et des conséquences de la guerre d’Afghanistan et de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, pour ne citer que quelques exemples. Moscou a décidé de mettre fin à son animosité envers les États-Unis et de lui faire concurrence, en abandonnant plusieurs pays sous son contrôle en Europe de l’Est que les États-Unis ont accueillis à bras ouverts dans un modèle de domination différent et plus souple. Washington a établi le système financier de transfert d’argent SWIFT et sa présence militaire dans plus de 750 bases réparties dans 80 pays, et a réussi à rester la seule superpuissance à la tête du monde. L’ours russe s’est retiré dans sa tanière pour reconstruire son économie effondrée et restaurer sa force, ce qui prouve que le fait de posséder des milliers de bombes nucléaires ne suffit pas à élever un pays au rang du club des superpuissances.
La Russie a mis plus de deux décennies à construire et à restaurer la majeure partie de sa force. Pendant cette période, la domination mondiale de Washington était incontestable. La nouvelle Russie issue de la Perestroïka a soutenu les décisions des États-Unis dans les forums internationaux et au Conseil de sécurité des Nations unies, notamment en leur fournissant une base militaire pour leur guerre en Afghanistan et des hélicoptères pour combattre les talibans. La Russie était alors considérée comme un élément essentiel de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sans toutefois jouir du statut de membre jouissant d’un droit de veto. Washington a ignoré les « appels chuchotés » maintes fois répétés de Moscou, qui demandait que l’OTAN se limite à 12 pays et qu’elle soit dissoute après l’abandon du « Pacte de Varsovie » par la Russie. Mais les États-Unis ont quand même commencé à étendre l’OTAN jusqu’à ce qu’elle regroupe 30 pays au total.
Les États-Unis ont commencé à étendre leur influence autour de la Russie en Asie et en Europe de l’Est. En 2000, ils prévoyaient envahir sept pays après l’Afghanistan (l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, le Soudan, la Somalie et l’Iran), selon l’ancien commandant suprême des forces alliées de l’OTAN et candidat à la présidence, le général Wesley Clark. Ils ont réussi à occuper l’Afghanistan, l’Irak, la Libye et une partie de la Syrie, que ces guerres aient été une réussite ou un échec, sans toutefois parvenir à freiner la volonté de leurs populations et à les soumettre à l’influence américaine.
L’administration américaine, qui a vu la Russie se redresser et devenir un pays fort et un partenaire économique de l’Europe, a cherché à devancer Moscou et à étendre sa domination sur les pays du Moyen-Orient afin que la Russie ne puisse gagner en influence. Les populations de nombreux continents étaient en colère et ont pris position contre les États-Unis. Chaque guerre américaine s’est soldée par des centaines de milliers de victimes dans le monde entier. Cependant, Washington a fait la sourde oreille en prônant sa politique « Les USA d’abord », sans égard aux souffrances causées. Cela a favorisé la Russie et la Chine, qui sont apparues comme des rivaux potentiels à l’hégémonie brutale et au redoutable appareil militaire des États-Unis.
Les États-Unis s’inquiétaient en observant comment la Chine devenait plus prospère, développait sa technologie et augmentait sa puissance tout en resserrant ses liens avec la Russie, qui pour sa part déployait cinq gazoducs vers le riche continent européen qui est alors devenu dépendant de Moscou sur le plan énergétique.
Le continent européen apporte des sommes importantes au trésor russe, à hauteur d’un milliard de dollars par mois en énergie (depuis la guerre en Ukraine), minéraux et autres produits russes. Ce qui inquiétait les États-Unis, c’était la déclaration de la France voulant que l’OTAN était en état de « mort cérébrale » et que l’Europe devait créer sa propre armée pour remplacer l’OTAN et protéger l’Europe, même contre les États-Unis, comme l’a bien dit le président Emmanuel Macron.
Cependant, les vœux pieux de l’UE ont été frappés comme un éclair par l’épée américaine, qui a coupé brutalement ses plans pour que les pays européens comprennent bien que Washington rejettera toute tentative de repousser son influence hors du continent. En outre, Washington ne peut pas permettre à la relation Russie-Chine-UE de s’épanouir. À cette fin, les États-Unis ont sorti toutes les cartes qu’ils avaient dans leur jeu, en perturbant le 5G chinois et annonçant depuis la Maison-Blanche la suspension du flux de gaz russe vers l’Allemagne via le gazoduc Nord-Stream 2.
Depuis l’époque du président Ronald Reagan, les États-Unis ont prévu de rester en Ukraine, pour pouvoir jouer dans l’arrière-cour de la Russie. Moscou s’opposait fermement à toute expansion américaine et domination des États-Unis sur Kiev, mais n’a pu y mettre le holà parce qu’il n’était pas encore suffisamment fort. L’administration américaine était consciente de ce qu’elle faisait et a instauré une nouvelle stratégie, comme l’a indiqué le président Bill Clinton dans un article qu’il a écrit et publié dans The Atlantic. Clinton a alors adopté la politique de « l’expansion de l’OTAN pour se préparer au pire en incluant les pays qui faisaient partie de l’ancien Pacte de Varsovie » par « crainte d’un retour de la Russie au communisme ».
Il voulait plutôt dire que « la plateforme mondiale étant à nous, étendons notre domination là où nous le pouvons ». Clinton prévoyait une expansion englobant l’Union européenne dans sa sphère de responsabilité, parallèlement avec l’élargissement de l’OTAN, malgré l’objection russe, simplement parce qu’il pensait que « c’est la bonne décision ».
Clinton n’a pas nié que de nombreux politiciens, intellectuels, diplomates et professionnels des médias américains l’avaient mis en garde contre une « terrible réaction de la Russie » (en cas d’expansion de l’OTAN à l’Ukraine) lorsqu’elle se remettrait de sa stagnation et de sa faiblesse. Cependant, parce que les intérêts et l’hégémonie des États-Unis sur le monde passent avant toute autre considération, Clinton a ignoré tous les avertissements.
Les États-Unis ont tenté d’attirer la Russie dans leur bloc pour ne pas la perdre de vue et la rapprocher afin de ne pas être pris de court par la vitesse de croissance de Moscou et le retour de sa puissance, selon le principe de garder l’ennemi proche au lieu de l’éloigner. En réponse à l’offre des États-Unis, la Russie a rejoint l’alliance du G7 composée de pays occidentaux fidèles aux USA, qui est devenue ainsi le G8. Pendant la guerre en ex-Yougoslavie, la Russie s’est jointe aux forces de l’OTAN en tant que partenaire sans droit de veto. L’inclusion de la Russie comme membre à part entière de l’OTAN lui aurait donné le droit de s’opposer à l’adhésion de tout nouveau membre. Il n’aurait donc pas été possible pour les 18 nouveaux pays qui ont rejoint l’OTAN après 1999 de créer un « nouvel ordre mondial », qui est en fait un « ordre américain » qui s’appuie sur la puissance militaire des USA et qui englobe l’ensemble des 29 autres membres de l’OTAN pour mieux camoufler le leadership américain derrière l’organisation belliciste.La dernière décision russe favorable aux intérêts des États-Unis a été l’assentiment du président russe Dmitri Medvedev à la guerre en Libye menée par les États-Unis et leurs
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