
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
La violence a éclaté en France à la suite de l’assassinat de Nael Marzouk, un Franco-Algérien-Marocain, par un policier. L’incident s’est produit lorsque Marzouk, qui n’avait pas de permis de conduire, a pris la fuite après une altercation avec les policiers en ignorant leur ordre de sortir de sa voiture. La déclaration initiale des deux policiers affirmait à tort que leur vie était en danger, mais une vidéo a ensuite révélé la vérité. Elle montrait l’un des policiers tirant des coups de feu sans motif valable, ce qui a conduit à son arrestation pour meurtre prémédité, mensonge et usage excessif de la force. La révélation de cette faute grave a discrédité la justification initiale du meurtre par la police.
Des émeutes ont alors éclaté dans plusieurs villes, principalement dans les banlieues, où des magasins, des écoles et des bâtiments municipaux ont été délibérément incendiés, et 2 500 voitures brûlées. Plusieurs magasins ont également été pillés dans plusieurs villes de France. En réponse, le président français Emmanuel Macron a déployé 45 000 des 240 000 policiers du pays pour rétablir l’ordre, ce qui a donné lieu à plus de 1 000 arrestations. Mais la question reste entière : Quels sont les facteurs sous-jacents à ces événements et pourquoi le chaos s’est-il étendu à plusieurs villes? Qu’est-ce qui alimente la colère dans les rues françaises?
L’Europe conçoit ses valeurs communes comme une société qui se caractérise par l’intégration, la tolérance, la justice, la solidarité, la fraternité et la non-discrimination, où l’égalité devant la loi et le respect de la dignité humaine sont primordiaux. La Charte de l’Union européenne garantit les droits individuels, y compris la liberté de pensée, de religion, de réunion, d’expression et d’information, ainsi que le respect de la vie privée et des libertés individuelles.
Cependant, ces beaux principes qui définissent l’identité européenne ne sont devenus que des mots sur du papier, et s’appliquent de manière sélective et en fonction des circonstances. Ils demeurent des aspirations auxquelles la société européenne aspire. Il est impossible de construire une société dans laquelle les dirigeants ne respectent pas les lois locales et internationales ou les principes qu’ils professent.
Les événements en France sont étroitement liés aux inégalités dans la « République française », qui se traduisent par des disparités sociales et économiques. Les quartiers populaires, communément appelés « banlieues », font l’objet de vives critiques. Les médias les présentent comme des zones sans foi ni loi, en proie à l’insécurité et à la brutalité depuis les années 1980 et 1990. Le discours axé sur la sécurité a souvent visé ces quartiers après les émeutes de l’été 1981 à Lyon. Depuis, les banlieues sont perçues comme un « problème social croissant ». Différents facteurs ont contribué à cette perception, notamment la controverse de 1989 sur le foulard islamique, l’émergence d’Al-Qaïda, les attentats de Charlie Hebdo qui avait insulté la religion islamique et son prophète, et les émeutes de 2005, 2006 et 2007 qui ont incarné le sentiment « antirépublicain ».
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Sébastien Chenu, chef du parti de droite de Marine Le Pen, a déclaré : « Si l’Algérie s’inquiète pour ses ressortissants en France, elle n’a qu’à les reprendre ». Le discours de l’extrême droite renforce la représentation de ces banlieues comme problématiques, en mettant l’accent sur l’insécurité causée par la « migration de masse » en provenance des grandes villes. Le parti de droite dépeint les banlieues comme « en guerre contre le pouvoir de l’État » et comme un « épicentre de la terreur » hors-la-loi. De même, les syndicats de police affiliés au ministère de l’Intérieur prônent un « état de guerre » et affirment que tous les moyens devraient être bons pour imposer la sécurité.
Les autorités locales ont ainsi renforcé la présence policière dans ces zones. Depuis 2017, les agents de sécurité sont autorisés à utiliser la force létale s’ils estiment que leur vie est en danger dans l’exercice de leurs fonctions.
Des chercheurs français ont observé que les sanctions et les peines de prison sont disproportionnellement sévères pour les résidents des banlieues, en particulier ceux d’origine africaine et arabe qui détiennent la citoyenneté française. Cette situation a entraîné une surpopulation carcérale.
La première ministre Elizabeth Bourne a ordonné le déploiement de centaines de véhicules blindés au cours de la quatrième nuit d’action populaire afin de démontrer une réponse ferme de l’État. Cette décision a donné à la France l’image d’un État policier plutôt que d’une démocratie, faisant écho à la manière dont les manifestations des gilets jaunes ont été gérées les années précédentes. Le président Emmanuel Macron a réagi aux troubles en accusant les plateformes de médias sociaux d’avoir incité aux émeutes et en appelant à une présence policière accrue et à un affrontement avec les manifestants.
Plutôt que de s’attaquer démocratiquement aux problèmes de la société française, comme l’Europe prétend le faire en priorité, la République française est déterminée à montrer qu’elle contrôle les rues et accorde la priorité à la sécurité plutôt qu’à la recherche d’un terrain d’entente. Cet amalgame d’intérêts entre une partie de la population en colère et l’appareil d’État au pouvoir ne fait qu’exacerber la situation.
Le président Macron lui-même a admis que les citoyens ne l’avaient pas élu parce qu’il était le meilleur choix pour eux. L’électorat français avait plutôt rejeté l’extrême droite représentée par Marine Le Pen. Il ne faut donc pas se surprendre de l’écart important qui existe entre les aspirations du peuple français et son dirigeant. Ce décalage s’est manifesté dans la prise de décision de Macron, qui a souvent contourné les processus démocratiques. La proposition de loi sur les retraites, par exemple, a été retirée du parlement par crainte d’être rejetée par la majorité et une proportion importante de la population française.
Il n’est donc pas étonnant que l’État accorde moins d’attention aux questions internes telles que les problèmes des banlieues parisiennes et de la dizaine d’autres villes comme Lyon, Marseille, Nantes et Lille, qui ont connu des émeutes. L’État a plutôt tendance à se concentrer sur les questions internationales, comme son implication dans la guerre en Ukraine entre les États-Unis et la Russie, une implication que ni la France ni l’Europe n’ont directement alimentée et qui a eu pour effet de créer l’inflation dans le pays, de dévaluer l’euro et d’augmenter les prix de l’électricité, du gaz et des denrées. Cette tactique de diversion fait fi de la cohésion économique qui pourrait être réalisée avec la Russie, à l’image de l’unification du continent européen pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque plus de 24 millions de citoyens russes ont sacrifié leur vie pour contrer la menace que l’Allemagne faisait peser sur les pays européens, plus particulièrement sur la France.
En conséquence, la France n’a pas encore trouvé de solution globale aux problèmes persistants de la banlieue parisienne et des autres zones touchées. Au lieu de lutter pour la justice, l’égalité et la fraternité, qui est la devise de la République française, les actions et les politiques de l’État montrent une incapacité à maintenir et à respecter les principes européens couchés sur du papier qui sont censés guider et unir le continent. La focalisation sur les banlieues ne doit pas être considérée comme un problème local isolé, mais plutôt comme un symptôme de l’absence de ces principes à une échelle européenne plus large.
One thought on “Les banlieues françaises : L’absence de principes européens plutôt qu’un problème local”
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