
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
Selon des sources bien informées à Bagdad, en Irak, Elizabeth Tsurkov, une ressortissante russo-juive ayant la double nationalité israélienne, est en détention à long terme. « Les services de renseignement américains se sont renseignés sur Elizabeth Tsurkov depuis sa disparition à Bagdad en mars dernier. Toutefois, il semble que les États-Unis n’aient aucun intérêt personnel à ce qu’elle soit libérée à tout prix. D’autres parties occidentales souhaitent la retrouver. Cependant, les négociations sont lentes, car les principales parties concernées ne semblent pas pressées d’obtenir sa libération aux prix exigés par les ravisseurs ».
L’enlèvement d’Elizabeth Tsurkov par les Brigades du Hezbollah irakien en mars a été révélé par le premier ministre israélien Benjamin. Bien qu’elle ait d’abord prétendu être Russe en arrivant en Irak avec un passeport russe, Tsurkov a révélé avoir servi dans les services de renseignements militaires israéliens, plus précisément dans l’unité 8200, spécialisée dans les opérations secrètes, les écoutes, le cryptage et la sécurité des données. Fait notable, elle n’a pris aucune précaution pour dissimuler son affiliation israélienne, ce qui témoigne d’un mépris pour les services de sécurité qui surveillent ses activités et d’un manque de prise de conscience personnelle et de rigueur par rapport à son travail antérieur dans les services de renseignement.
Elizabeth Tsurkov a admis avoir fait partie d’une unité de renseignement israélienne et a affirmé avoir servi pendant la deuxième guerre du Liban en 2006. Elle a également indiqué que sa sœur cadette, Emma, servait actuellement dans une unité mécanisée de l’armée israélienne. Elle a également déclaré sur son compte Twitter qu’elle refusait de négocier sa libération ou celle d’autres personnes enlevées. Les membres de l’unité 8000 des services de renseignement israéliens n’ont pas le droit de s’identifier sur les médias sociaux. Cependant, des membres licenciés et retraités de cette unité ont défié ces ordres et ont cherché un emploi dans le secteur privé, qui offre des avantages financiers plus alléchants que l’armée israélienne.
Tous ces faits restent indéniables tant qu’un ressortissant israélo-russe – avec un passé connu similaire – se présente dans n’importe quel pays qui n’est pas hostile à Israël. Cependant, les voyages de Tsurkov en Syrie et en Irak, y compris au Kurdistan et dans d’autres régions, ont éveillé les soupçons des parties qui surveillent les voyages à destination et en provenance de ces pays.
Subscribe to get access
Read more of this content when you subscribe today.
La présence d’une femme munie d’un passeport russe qui parle arabe, prétend être chercheuse à l’université de Princeton, exprime ouvertement son hostilité à l’égard du gouvernement syrien et de la Russie, et révèle son passé dans le service de renseignement militaire et son statut actuel de réserviste, ne pouvait faire autrement qu’éveiller les soupçons des autorités irakiennes. L’Irak est connu pour être divisé entre ceux qui sont loyaux envers les États-Unis et ceux qui leur sont farouchement hostiles. En s’aventurant hors de la province kurde vers des villes chiites où se trouvent des groupes armés et des factions opposées à la présence militaire et à l’occupation américaines, Tsurkov s’est peut-être volontairement exposée à un risque d’enlèvement. Par ailleurs, ses actions pourraient être attribuables à un manque d’intelligence ou de sensibilisation en matière de sécurité auquel l’on s’attend théoriquement d’une personne ayant son expérience professionnelle antérieure.
Tsurkov se serait apparemment rendue à Nadjaf, en Irak, avec des personnes associées au mouvement sadriste dirigé par Sayyed Moqtada al-Sadr, sous prétexte de mener des recherches universitaires. Toutefois, il est peu probable qu’elle ait obtenu des informations confidentielles ou exclusives importantes, étant donné que même les responsables du mouvement sadriste, y compris Sayyed Moqtada lui-même, ne savent pas vraiment quelles seront les étapes à venir du mouvement. Les activités passées du mouvement sont connues et accessibles à tous, car l’Irak n’a pas de secrets.
Tsurkov a laissé plusieurs traces, de sorte qu’il était pratiquement impossible pour une agence de sécurité de les ignorer ou de s’abstenir de mener une enquête approfondie sur sa présence en Irak. Son ancienne affiliation présumée aux services de renseignement israéliens n’a fait qu’accroître l’urgence de la localiser et de surveiller étroitement ses contacts et ses déplacements. En conséquence, Tsurkov s’est présentée comme un prix de grande valeur pour l’Axe de la Résistance, à l’instar de l’ancien colonel israélien Elhanan Tannenbaum, capturé par le Hezbollah libanais dans des circonstances différentes et échangé par la suite contre des prisonniers palestiniens et libanais. Selon le premier ministre Netanyahou, Tsurkov « va bien ». La maintenir en vie sert les intérêts de ses ravisseurs en soulignant l’unité des fronts et de l’Axe de la Résistance, et en faisant pression pour libérer davantage de prisonniers palestiniens.
Toutefois, le gouvernement israélien, qui comprend des partisans de la ligne dure de la droite peu enclins à négocier la libération de Palestiniens, pourrait ne pas soutenir les efforts visant à maintenir la cohésion au sein de l’Axe de la Résistance et à faire avancer la cause palestinienne. La résistance irakienne refusera très probablement sa libération sans échange de prisonniers palestiniens en solidarité avec la cause principale de la libération de la Palestine. Avec deux Israéliens toujours détenus par le Hamas (Avera Mengistu et Hisham Al-Sayed) et les restes de deux soldats (Oron Shaul et Hadar Goldin) morts lors de la guerre de Gaza de 2014 sous la garde du Hamas, Israël n’a pas encore accepté les conditions de leur retour.
Compte tenu de ces facteurs, il est très probable que l’absence de Tsurkov se prolonge, surtout si le gouvernement israélien n’a pas la ferme intention de la libérer. Israël cherche aujourd’hui à obtenir une intervention russe, alors même que ses services de renseignement et ses actions diplomatiques soutiennent l’Ukraine. Mais la volonté de Moscou d’aider Netanyahou semble faire défaut. On dirait bien que Tsurkov se soit imprudemment jetée dans la gueule du loup en se présentant elle-même comme une proie facile.
One thought on “Elizabeth Tsurkov en prison pour un bout de temps.”
Comments are closed.