
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.
Dans la dynamique du pouvoir mondial, les États-Unis se trouvent dans une position délicate vis-à-vis de la Chine. Bien que les États-Unis exercent une influence et une puissance militaire considérables, ils n’ont pas la capacité de déclarer et de gagner une guerre totale contre la Chine. En effet, la Chine est une nation dotée d’immenses capacités financières, commerciales et industrielles, d’un formidable arsenal militaire et nucléaire, et d’alliances stratégiques avec la Russie et les pays asiatiques qui ne sont pas faciles à rompre. Dans un contexte international marqué par la division, où certains soutiennent la confrontation de l’Occident avec la Russie et d’autres s’y opposent avec véhémence, la plupart des pays occidentaux sont réticents à l’idée d’être entraînées dans un futur conflit avec la Chine, un sentiment ouvertement exprimé par le président français Emmanuel Macron. Ce qui n’empêche pas les États-Unis de poursuivre à la fois les démonstrations de force et les efforts diplomatiques pour maintenir les canaux de communication avec Pékin. Quelle est donc la stratégie belliciste pratique et réaliste des États-Unis à l’égard de la Chine?
Les États-Unis forment la nation la plus puissante de la planète, soutenue par une puissance militaire qui comprend plus de 750 bases militaires dans le monde et plus de 150 armes nucléaires déployées en Europe. Le président Joe Biden et son administration ont réussi à revitaliser l’armée européenne sous leur contrôle par le biais de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), en alignant efficacement les intérêts des forces américaines et européennes sur le continent. La guerre en Ukraine a montré que l’armée russe, malgré ses avancées technologiques et ses capacités au combat, ne peut rivaliser avec l’armée américano-européenne de l’OTAN en Europe sans recourir à des armes nucléaires. Les manœuvres habiles de Washington ont permis de redonner vie à l’OTAN après ce que le président français Macron avait qualifié de « mort cérébrale » il y a quatre ans, et de rallier la plupart des pays européens à sa cause. L’alliance militaire s’est élargie à 31 membres et devrait bientôt en compter 32 avec l’adhésion de la Suède. Cela pourrait se concrétiser en partie grâce à la livraison à la Turquie d’avions F-16 perfectionnés et de pièces détachées pour sa flotte aérienne, que les États-Unis prévoient de fournir à Ankara. Tout dépend si le président Biden tiendra sa promesse de répondre aux exigences de la Turquie concernant la modernisation de son armée de l’air, en échange du soutien de la Turquie à l’adhésion de la Suède à l’OTAN.
Quant à l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, il s’agit plus d’une signification symbolique qu’un réel avantage pour les États-Unis. En fait, il est dans leur intérêt que l’Ukraine reste éternellement impliquée dans un conflit ou dans l’instabilité, qui aurait pour effet de drainer la Russie et l’Europe tout en affaiblissant leurs économies. Ce résultat garantit aux États-Unis de conserver leur position de puissance dominante sur les deux continents, les pays européens considérant les Américains comme un partenaire indispensable, bien qu’il s’agisse d’un mal nécessaire.
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Par conséquent, la poursuite de la guerre sur le front européen permet aux USA de se concentrer sur leur prochain objectif : contrer la Chine, son adversaire le plus important et le plus redoutable pour le leadership mondial. La Chine est le principal partenaire des pays asiatiques et la force motrice de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, qui fait concurrence à la Banque mondiale dominée par l’Occident. La Chine étend également son influence par le biais d’organismes comme l’Organisation de coopération de Shanghai, qui regroupe le Brésil, la Russie, l’Inde, l’Afrique du Sud et l’Iran, et à laquelle de nombreux pays souhaitent adhérer. En outre, les capacités de la Chine en matière de communications, de transports et de ressources humaines sont sans équivalent ailleurs dans le monde. La Chine est à la tête d’une alliance qui regroupe plus de 40 % de la population mondiale et forme un bloc économique qui n’est pas sous la domination du dollar ou des marchés occidentaux. Pékin possède des armes de pointe qui lui permettraient de remporter la victoire en cas de guerre ou d’infliger des coups très durs à ses ennemis, dont les États-Unis, en cas d’attaque. Mais ces derniers ne peuvent constituer une menace viable pour Pékin que si la Chine maintient sa puissance économique, son unité, son excédent économique et ses alliances solides. C’est ce qui explique pourquoi les USA tentent de piéger la Chine sur plusieurs fronts, notamment externe, interne et économique. La question de Taïwan joue un rôle clé pour les États-Unis dans le maintien des tensions. Sans reconnaître officiellement l’indépendance de Taïwan, les États-Unis lui fournissent une aide militaire et déclarent leur intention de défendre l’île et le droit de navigation dans les eaux sino-taïwanaises, tout en la reconnaissant comme faisant partie de la Chine. Sur le plan intérieur, les USA disposent d’une expertise considérable en matière de changement de régime. Toutefois, l’arsenal d’outils à leur disposition actuellement pour lutter contre une Chine résiliente est à revoir, car les tentatives précédentes ont échoué. Par conséquent, le seul plan viable qui reste aux États-Unis est d’épuiser l’économie chinoise par une course aux armements, à l’instar de ce qui s’est passé avec l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale, qui a conduit à l’appauvrissement de Moscou et à l’abandon de plusieurs pays qui faisaient partie de sa sphère d’influence. Cependant, la Chine n’a pas de pays à abandonner, comme c’était le cas de Moscou à la fin de la guerre froide, et elle ne s’est pas encore engagée dans la colonisation de continents comme l’Occident. Au contraire, la Chine garde le grappin sur Taïwan, que les Nations unies et plus de 100 autres pays, dont les États-Unis, considèrent comme faisant partie intégrante de la Chine, même si le comportement incohérent de l’île provoque délibérément Pékin. La mobilisation des pays fidèles aux États-Unis en préparation à une guerre contre la Chine reste improbable, malgré les appels à l’expansion de l’OTAN au Japon et aux Philippines pour renforcer sa présence en mer de Chine méridionale. L’OTAN – un instrument américain agressif destiné à la guerre plutôt qu’à la défense, manipulé comme les États-Unis l’entendent, même au prix de l’aliénation des partenaires européens – ne peut pas faire grand-chose. En effet, de nombreux dirigeants européens sont réticents à l’idée de paraître agressifs et hostiles à l’égard de la Chine, l’un de leurs principaux partenaires commerciaux. L’objectif premier des USA est donc de s’assurer que la Chine ne soutienne pas la Russie en Ukraine, car une telle décision perturberait les plans de Washington et donnerait un avantage certain au Kremlin. Les membres de l’OTAN manquent déjà d’argent, de munitions, de tactiques offensives et de capacités pour soutenir une guerre par procuration prolongée. Dans la phase suivante, les États-Unis espèrent forcer la Chine à entrer dans une course aux armements, en se préparant à l’éventualité d’une guerre imminente afin d’augmenter ses dépenses de défense. Cette approche a déjà fait ses preuves et entraîné une augmentation notable des dépenses militaires chinoises, qui devraient augmenter de 7,1 % pour atteindre 225 milliards de dollars (1,55 billion de yuans) en 2023. Bien que cela fait de la Chine la deuxième puissance mondiale en matière de dépenses consacrées à la défense après les États-Unis, ce montant restera gérable en raison de la vigueur de l’économie et de l’essor financier du pays. La présence croissante de l’OTAN en Asie, loin de l’Atlantique Nord comme son nom l’indique, et les nouvelles bases militaires américaines construites autour de la Chine n’intimideront pas les patientes autorités chinoises. Par conséquent, les chances que les États-Unis se lancent dans une guerre contre la Chine au cours des cinq prochaines années restent faibles, malgré la formulation par le Pentagone de plans d’invasion de la deuxième nation la plus peuplée et la plus puissante économiquement dans le monde. Même si de tels plans sont élaborés par l’armée américaine, ils ne se traduisent pas nécessairement par des actions pratiques, réalisables ou réalistes. Ainsi, le crescendo de la rhétorique américaine ne fait que perpétuer une menace grandement pressentie et renforcer le rôle autoproclamé de Washington en tant qu’arbitre du destin mondial. Il cherche à établir que seuls les États-Unis, et non la Russie ou tout autre pays, ont l’autorité et l’hégémonie nécessaires pour faire la guerre, et que quiconque soutient la Russie rejoint la catégorie des ennemis qui contestent la domination américaine. En conclusion, la stratégie américaine à l’égard de la Chine est une stratégie d’intimidation, de rhétorique enflammée, de distraction et d’attrition. Malgré les 11 000 kilomètres qui la séparent des USA, la Chine doit prendre les menaces américaines calmement, mais attentivement, et se préparer au pire des scénarios si les États-Unis s’écartent d’une politique rationnelle et logique et plongent le monde dans une ère dévastatrice marquée par des guerres s’étendant sur plusieurs continents.
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